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mer. Dans le partage du pouvoir, le titre de sérashier fut à Halil et l’autorité de grand-visir à Khosrew : Halil, esprit faible et présomptueux, accepté pour gendre par Mahmoud, qui le savait et le voulait médiocre ; Halil, qu’une ambassade à St-Pétersbourg avait rendu favorable à des innovations dont la Russie se réjouissait parce qu’elles préparaient les Turcs à passer sans étonnement sous son joug ; et Khosrew, vieillard actif, nature implacable et vigilante, non moins rompu aux intrigues qu’aux affaires, zélateur de la réforme qu’on l’accusait d’avoir soutenue par des procédés pleins de mystère et de sang, capable enfin de défendre l’empire s’il eût suffi pour cela de frapper dans l’ombre. Un homme incapable, un ministre décrié, voilà donc sur quelles têtes reposait le lendemain de la Turquie vaincue !

C’était peu : il se trouva que Halil et Khosrew étaient les ennemis d’Akhmet-Fevzi-Pacha, aux ordres de qui obéissait la flotte ottomane. Favori de Mahmoud — dans un État despotique, c’était son mérite — Akhmet perdait tout en perdant son maître. Khosrew au faîte de l’empire l’épouvanta. Il se crut mort s’il restait fidèle ; et, sollicité par la peur, par la haine, par une vulgaire espérance, par l’éblouissante prospérité de Méhémet-Ali, il fit sortir la flotte ottomane des Dardanelles, une trahison dans le cœur. Mais non loin de là, l’amiral Lalande se tenait en observation à la tête d’une petite escadre, trop faible pour un combat, et cependant assez forte pour être respectée puisqu’avec elle était le nom de la France. La rencontre prévue ayant eu lieu, il fallut tromper l’amiral français. Akhmet dé-