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France et de l’Angleterre. Lord Palmerston proposait la réunion des pavillons français et britanniques dans la Méditerranée avec ordre de forcer le détroit des Dardanelles dans le cas où les troupes russes paraîtraient sur le territoire turc. La dépêche ajoutait que « si les forts turcs résistaient, il faudrait une force de débarquement pour les prendre à revers. »

Quelle plus grande preuve qu’à l’origine des négociations, c’était Constantinople et non pas Alexandrie qui préoccupait l’Angleterre ! Si les ministres français avaient su lui laisser cette préoccupation en s’y associant, tous les regards se fixaient sur le seul point où la France eût intérêt à les tenir fixés ; et la Syrie n’avait d’autre intervention à subir que celle de la victoire. C’est ce que le ministère du 12 mai n’entrevit pas. Depuis 1830, le gouvernement était accoutumé à prendre la peur pour de la politique : une manifestation imposante et légitime se peignit à des esprits pusillanimes à l’excès, sous les couleurs sombres de la guerre ; on se crut perdu si l’on se montrait décidé, et aux avances de lord Palmerston le maréchal Soult répondit qu’il « regardait comme très-désirable que les pavillons anglais et français parussent devant Constantinople en même temps que le pavillon russe, mais qu’il doutait qu’on pût laisser à la discrétion des amiraux une question aussi importante que celle de déclarer la guerre à la Russie et à la Turquie, ce qui pourtant serait la conséquence inévitable de l’entrée par la force des flottes anglaise et française dans le passage des Dardanelles[1]. »

  1. Dépêche de lord Granville en date du 28 juin 1839.