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chemin des passions qu’ils eussent allumées d’un souffle ; mais, en 1839, le prodige de leur audace ne fit que jeter dans l’immobilité de la stupeur Paris fatigué. D’où venaient ces hommes sans peur ? Où avaient-ils puisé l’excès d’une telle entreprise ? Que prétendait leur intrépide folie ? Et qui donc les pressait de mourir ? Nous-même, dans cette sombre journée, à vingt pas de la rue de la Paix, nous avons vu passer, le fusil sur l’épaule et se rendant au sinistre appel des coups de feu, quatre jeunes gens à la démarche altière et au visage irrité. De rares passants se rangeaient à leur aspect et les suivaient de l’oeil avec un étonnement mêlé d’épouvante.

Le jour touchait à sa fin. Attirés vers la mairie du 6e arrondissement par une nouvelle inspiration de leur désespoir, les insurgés s’étaient mis en marche à travers les rues Simon-le-Franc, Beaubourg et Transnonain, itinéraire funeste que les précédentes insurrections avaient tracé dans le sang et qui était comme peuplé de fantômes. Il y eut là, pour la partie la plus tumultueuse de la capitale, des heures d’anéantissement et de silence dont il est difficile d’exprimer l’horreur. Les maisons étaient fermées, obscures, et l’on n’entendait rien, plus rien : ni le frémissement des voitures, ni le cri des enfants ni le bruit de la foule occupée. Or, tout-à-coup, du fond de ces rues muettes la Marseillaise s’éleva, chantée par des voix mélancoliques et lugubres. C’étaient les insurgés qui s’animaient à leur lutte dernière. Trois barricades furent élevées dans la rue Grenetat, et l’insurrection vint creuser son