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Gauche, elle avait eu naturellement pour chefs MM. Guizot, Thiers et Odilon Barrot. Or, il y avait dans le gouvernement trois grandes positions politiques : le ministère de l’intérieur, celui des affaires étrangères, et la présidence de la Chambre. Donnerait-on l’une à M. Guizot, l’autre à M. Thiers, la troisième à M. Barrot ? Rien ne paraissait plus équitable, et M. Guizot ne l’entendait pas autrement.

Mais pour la plupart des membres de la Gauche, le chef du parti doctrinaire n’avait pas cessé d’être un homme dangereux. Ils le savaient Indifférent en matière politique, prompt à s’accommoder aux situations les plus diverses, capable enfin de passer au service de la prérogative royale, sauf à faire ensuite de sa mobilité même un orgueilleux étalage et à se parer de sa défection. Ils le voyaient déjà esclave violent, impérieux, du roi ; et ils se souvenaient de Strafford, servant avec fureur le despotisme de Charles Ier, après l’avoir avec fureur dénoncé et combattu. D’ailleurs, il n’était pas douteux que, devenu ministre, M. Guizot ne s’empressât de distribuer à ses amis les places dont il disposerait, grave sujet d’alarme pour certains amis de M. Barrot, qui prétendaient bien avoir leur part dans le partage des dépouilles conquises !

M. Thiers chercha-t-il à entretenir ces répugnances, pour affaiblir une influence redoutée par son ambition ? On le lui a reproché depuis, mais injustement. Son seul tort à l’égard de M. Guizot fut de ne pas user de son ascendant sur les membres de la Gauche de manière à obtenir d’eux le complet sacrifice de leurs préventions. Une pre-