Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/298

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Thiers n’osa pas prendre la parole. C’était une campagne manquée. En dépit des graves protestations de M. Odilon-Barrot et de celles de M. Gisquet, ancien préfet de police, que sa destitution avait fait ennemi du ministère, le chiffre des fonds secrets fut voté tel que M. Molé le demandait. Et, réduite à attendre des jours meilleurs, la coalition vaincue se dispersa.

Une nouvelle bruyante émut, vers cette époque, le monde politique.

Nous avons dépeint M. de Talleyrand nous avons dit combien était fastueuse sa vanité dans le mal. Mais son impassibilité n’était qu’un masque. Comme le mépris des hommes et des principes faisait école dans son salon, il ne voulait point perdre le bénéfice de ce professorat honteux, et il avait soin de ne paraître que triomphant et moqueur. Au fond, il était incertain, combattu, humble dans sa tristesse et tourmenté. Son immoralité de parade ne répondant pas en lui à une forte nature, à une perversité énergique, il s’y épuisa misérablement. Des témoignages tenus long-temps secrets, mais irrécusables, prouvent que dans les dernières années de sa vie la méditation lui était amère, insupportable. Abandonné à lui-même dans le silence des nuits, il tombait du haut de son orgueil factice dans d’inexprimables découragements ; et à la lueur de la lampe qui éclairait la solitude de ses veilles, il lui arriva d’écrire des lignes par où se montraient le tumulte de ses pensées et les défaillances de son âme, des lignes comme celles-ci, par exemple : « Voilà 83 ans écoulés ! que de soucis que d’agitations ! que de malveillances inspi-