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avec faste leurs riches costumes et montaient des chevaux magnifiques. Bien différente était celle du général Bugeaud, à laquelle s’étaient réunis plusieurs membres de l’administration civile, coiRés de la casquette modèle, et dans une tenue fort peu militaire. Un cavalier sortit des rangs. Il portait un burnous grossier, la corde de chameau, et ne se distinguait point par son costume du dernier des cavaliers ennemis ; mais autour de son cheval noir, qu’il enlevait avec beaucoup d’élégance, des Arabes marchaient, tenant le mors de bride et les étriers. C’était Abd-el-Kader. Le général français lui ayant tendu la main, il la lui serra par deux fois, sauta rapidement à terre et s’assit. Le général Bugeaud prit place auprès de lui, et l’entretien commença.

L’émir était de petite taille. Il avait le visage sérieux et pâle, les traits délicats et légèrement altérés, l’œil ardent. Ses mains, qui jouaient avec un chapelet suspendu à son cou, étaient fines et d’une distinction parfaite. Il parlait avec douceur, mais il y avait sur ses lèvres et dans l’expression de sa physionomie une certaine affectation de dédain. La conversation porta naturellement sur la paix qui venait d’être conclue ; et Abd-el-Kader parla de la cessation des hostilités avec une mensongère et fastueuse indifférence. Le général français lui faisant observer que le traité ne pourrait être mis à exécution qu’après avoir été approuvé, mais que la trêve était favorable aux Arabes, puisque, tant qu’elle durerait, on ne toucherait pas à leurs moissons : « Tu peux dès à présent les détruire, répondit-il, et je t’en donnerai par écrit, si tu veux,