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Déjà, depuis quinze jours, on battait la plaine sans rencontrer l’ennemi, lorsque de sourdes rumeurs se répandirent parmi les soldats, annonçant la paix. Elle venait en effet de se conclure, et le général Bugeaud apprit aux troupes, par un ordre du jour, qu’il allait partir pour une entrevue avec l’émir. La nouvelle fut joyeusement accueillie par les soldats : il leur plaisait de voir de près cet infatigable Abdel-Kader, ce chef inconnu dont ils avaient fait la renommée en le combattant, et qui leur devait le soudain éclat de sa fortune. Le général avait choisi quatre mille hommes pour l’accompagner : ils se mirent en mouvement le 1er  juin, à la pointe du jour. En tête marchaient les Arabes alliés, sous les ordres de Mustapha-Ben-Ismaël. C’était un beau et austère vieillard, que reconnaissaient pour chef les belliqueuses tribus des Douairs et des Smélas. Animé contre Abd-el-Kader d’une haine immortelle, Mustapha-Ben-Ismaël avait cherché notre alliance, et associé fidèlement à notre drapeau tricolore ses deux étendarts vert et blanc. Notre civilisation, du reste, l’avait gagné sans le surprendre ni l’éblouir.

À neuf heures du matin, on fit halte dans un vallon du plus riant aspect, que baignaient les eaux de la Tafna. Là était le lieu du rendez-vous. Mais on n’y rencontrait que la solitude, le silence ; et pas un cavalier arabe ne se dessinait à l’horizon. Le soldat se sentit humilié. Il fallut attendre, et l’on attendit long-temps. Les vedettes revenaient sans nouvelles. Habile à s’entourer de prestige, Abd-elKader avait voulu se donner auprès des siens l’a-