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commencé par dire à son ancien collègue : « Je vous apporte le ministère du octobre, Vous m’en apportez le personnel, répondit vivement M. Thiers, mais non la politique. » Et il l’interrogea sur l’abandon complet de l’Espagne. Il se rejetait, d’autre part, sur ses amitiés récentes. À les dénouer il ne pouvait y avoir pour lui ni profit ni honneur. Chef du Centre Gauche, lui était-il permis de monter au pouvoir en reniant, pour les amis de M. Guizot, ses propres amis, ses alliés et presque ses soldats de la veille ? Voilà comment M. Thiers motiva son refus. Il en éprouva du regret, peut-être peut-être aurait-il désiré que, fournissant quelque honorable prétexte à son dévouement dans l’embarras, le roi, par une intervention directe et solennelle, l’eût sauvé du joug des scrupules.

Les tentatives de M. Guizot ayant ainsi échoué, une négociation s’entama entre le maréchal Soult, MM. Thiers, Humann et Passy. On crut qu’elle réussirait. Il est vrai que M. Passy avait peu de goût pour M. Thiers, dont il avait eu à supporter, dans le Cabinet du 22 février, la présidence impérieuse. Mais M. Passy ne pouvait craindre, cette fois, rien de semblable, l’âge du maréchal Soult et son illustration militaire lui assignant la première place dans le Cabinet qu’il s’agissait de former.

L’émotion fut donc grande parmi les doctrinaires, et ils n’épargnèrent aux nouveaux candidats ni le dédain ni la raillerie. Ils les montraient divisés sur presque toutes les questions, quoique unanimes sur le partage du pouvoir ; ils affirmaient que chacun d’eux avait réservé quelque chose : le maré-