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importantes, et, dans toute crise ministérielle, il fallait désormais compter avec lui.

Telle était la division des forces parlementaires, lorsque la crise ministérielle éclata. Plus que jamais impénétrable sous des dehors de bonhomie, le roi chargea M. Guizot de la formation d’un nouveau Cabinet, et lui laissa croire que le ministère du 11 octobre était encore possible. M. Guizot alla donc trouver M. de Broglie, qui accueillit la démarche avec une froideur où perçait quelque ressentiment. Abandonné, au 6 septembre, par un homme qu’il avait jusqu’alors regardé comme un ami sûr, il était tout entier au souvenir de cette espèce de trahison. Il ne refusa pas, toutefois, d’entrer dans la combinaison proposée, si M. Thiers y adhérait. Mais M. Guizot irait-il s’humilier, par un empressement ambitieux et des offres flatteuses, devant M. Thiers, devenu son plus redoutable adversaire, son émule le plus vanté ? C’est à quoi il consentit, cependant, à la grande surprise de ceux qui connaissaient le tour altier de son caractère. Si ce fut petitesse ou grandeur, amour immodéré du pouvoir ou dignité courageuse, il est difficile de le dire, l’un et l’autre se pouvant supposer dans une âme capable de se porter à toutes les extrémités de l’orgueil.

M. Thiers reçut avec bienveillance ce visiteur inattendu. Long-temps ils avaient vécu des mêmes pensées, couru les mêmes périls. Que de souvenirs propres à les rapprocher ! Mais aussi, depuis leur rupture, que d’emportement dans leurs querelles et combien diverses leurs alliances ! M. Guizot ayant