Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/223

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses cris l’apparition du pamphlet lancé contre la loi d’apanage. Le succès de ce pamphlet fut prodigieux. Vingt-quatre éditions le répandirent en France sous toutes les formes. Il pénétra dans les campagnes les plus désertes, dans des chaumières où jamais journal n’était entré. Dans les villages du nord, on montait sur les bornes pour le lire à la foule, qu’il passionnait. Traduit dans les langues étrangères, il apprit aux rois de l’Europe que l’esprit d’affranchissement vivait encore dans notre pays, contenu mais indompté. Le triomphe de M. de Cormenin s’accrut des colères qu’il déchaîna. Car les hommes de Cour se montraient furieux, sachant que, dans la circonstance, l’indignation était le meilleur moyen de flatter.

Depuis le rejet de la loi de disjonction, le ministère se traînait languissant et divisé. Le soulèvement de l’opinion contre le projet d’apanage précipita la crise. Entre M. Guizot et M. Molé, c’était toujours la même rivalité, rivalité sourde et voilée par des égards réciproques, mais active, nourrie de fiel, excitée par un perpétuel contact, et sans cesse envenimée par les propos des subalternes. La situation était dure pour nous, pour M. de Gasparin, notamment. Écrasé en quelque sorte au ministère de l’intérieur, entre M. Guizot, qui l’accablait de sa protection, et M. Molé, qui le poursuivait d’une défiance implacable, il recevait le contre-coup de chaque combat que se livraient autour de lui les deux influences ennemies. Mais à mesure qu’il chancelait, les doctrinaires redoublaient de véhémence dans leur langage et de vivacité dans leurs attaques.