Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/211

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

armes, vous abdiquez la justice, vous n’êtes plus la société, vous déléguez vos droits à des hommes armés qui peuvent en user contre le pays et contre vous-mêmes ».

Pour détruire l’effet de cette vigoureuse improvisation, successivement appuyée par MM. Delespaul, de Golbéry et Nicod, il fallait un orateur puissant : M. de Lamartine se présenta. Il commença par dénoncer dans le verdict de Strasbourg un scandale sans exemple. Il s’étonnait, il s’indignait de tant de faveur accordée à d’aussi hardis rebelles ; et, quant à l’impunité dont leur chef s’était vu couvert par la clémence royale, il rappelait que Louis Bonaparte avait été mis hors la loi commune le jour où, puni de la gloire de son nom, il fut frappé par la raison d’État d’un exil éternel. Qu’y avait-il d’injuste à ce qu’il profitât, coupable, d’une position exceptionnelle dont il avait souffert innocent ? Et à supposer que l’indulgence du roi se fût trompée, de quel droit douze jurés faisaient-ils comparaître à leur barre la majesté du trône ? Avaient-ils mission de venger les principes violés, de rappeler le pouvoir au respect de l’égalité méconnue ? Suivant M. de Lamartine, il fallait se prémunir contre de tels abus en adoptant, au moins comme mesure transitoire, la loi proposée, loi bien facile à justifier, après tout, puisque les délits politiques commis par les militaires avaient un caractère spécial de gravité qui réclamait une juridiction particulièrement sévère.

Un long tumulte suit ce discours. M. Charamaule, pour le réfuter, paraît à la tribune, et la lutte con-