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d’une éloquence naturelle que relevait le caractère énergique de sa beauté, Mme Gordon sut ennoblir par la vivacité de ses convictions politiques ce qu’avait d’inusité son rôle de conspiratrice. MM. de Querelles, de Gricourt et de Bruc soutinrent l’interrogatoire avec assurance, et le colonel Vaudrey avec une fermeté toute militaire, quoique mêlée par fois d’embarras. Mais, parmi les accusés, nul ne remua plus fortement les âmes que le lieutenant Laity. C’était un jeune homme plein de courage, au regard triste, à la figure transparente, sérieuse et passionnée. En se jetant dans une entreprise où tout n’était que périls, il avait cru faire pacte avec la mort. Vaincu, il refusa de se défendre, et l’on ne parvint à l’y décider qu’en lui montrant jusqu’à quel point sa résolution compromettait ses compagnons d’infortune. Devant les juges, il fut indomptable et calme. Il s’exprimait noblement, sans recherche et d’un ton bref, en soldat. « Je suis républicain, dit-il, et n’ai suivi le prince Louis Bonaparte que parce que je lui ai trouvé des opinions démocratiques. » Les dépositions des témoins donnèrent lieu à divers incidents qui ajoutèrent à l’impression de l’ensemble. Le colonel Tallandier ayant raconté qu’en arrêtant le commandant Parquin, il lui avait arraché une de ses épaulettes de général, « il est très-vrai, s’écria celui-ci, que M. Tallandier m’a insulté. Il pouvait le faire impunément j’étais son prisonnier. » Et ces mots provoquèrent entre les deux soldats un échange de paroles et de regards dont chacun put deviner la portée sinistre.