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importun collègue réduit à laisser tomber de la tribune des excuses insignifiantes, embarrassées, dignes enfin des murmures qu’elles excitèrent. Plus de doute, M. de Gasparin était perdu dans l’esprit de la Chambre après une démonstration aussi claire de son insuffisance oratoire, M. Guizot oserait-il encore le soutenir ? Evidemment c’était impossible : le moment était venu de porter à une influence rivale un coup décisif… Ainsi pensa M. Molé ; et le soir même de la séance marquée par l’échec de M. de Gasparin, il s’en exprima librement chez Mme de Boignes, dont le salon avait à cette époque une importance politique. Le lendemain, le premier ministre courait chez M. Guizot pour le mettre en demeure, ou d’accepter le ministère de l’intérieur, ou d’y souffrir M. de Montalivet à la place de M. de Gasparin. M. Guizot s’était attendu à la démarche et il avait pris son parti. En apercevant M. Molé, il s’écria : « Je sais ce que vous venez me proposer : le ministère de l’intérieur ? Je le prends. » À ces mots, prononcés d’un air impérieux et d’une voix altière, M. Mole s’émeut, et, par un soudain revirement de pensée, il demande à garder pour collègue celui-là même dont il était disposé à exiger le renvoi.

Cependant, une nouvelle venait de se répandre qui remplissait les ministres de trouble et de confusion. Le 6 janvier, les débats judiciaires relatifs à la conspiration du 30 octobre 1836 avaient commencé, et le Cabinet en avait appris le dénouement au milieu des dernières rumeurs soulevées par la discussion de l’adresse.