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vées. Mais, en France, on mesura la grandeur du mal moins au nombre des morts qu’à la nature des circonstances qui avaient marqué comme d’un sceau fatal cette expédition tant désirée. D’ailleurs, coupées par le brouillard ou par la nuit, les dépêches télégraphiques n’avaient apporté que lambeaux par lambeaux la funèbre nouvelle, prolongeant ainsi l’anxiété publique. Mais ce qu’il y eut de plus triste, ce fut le parti que cherchèrent à tirer de l’événement les passions politiques, de toutes parts déchaînées. À qui revenait la responsabilité de nos malheurs ? Tel fut le texte d’une polémique acharnée, impitoyable. Dans la conduite du maréchal Clauzel il y avait eu la précipitation téméraire d’un général dont on a renversé les plans, et l’héroïsme d’un vieux soldat ses ennemis n’insistèrent que sur ce qui donnait prise à leurs haines, et ils n’eurent pas honte de lui déchirer le cœur.

Du reste, loin de se décourager, l’opinion publique se déclara pour la conservation de l’Afrique avec plus de fougue et d’énergie que jamais. Toute âme française jura, dès ce moment, la prise de Constantine. Sous le coup des plus cruels revers, sous le poids des plus lourds sacrifices, l’instinct du peuple servait avec une étonnante sûreté la grandeur de la France, l’accomplissement de ses devoirs à l’égard du monde et rien qu’à l’invincible ardeur de notre volonté, il se pouvait reconnaître que c’était en vertu d’une loi véritablement providentielle que nous avions la Méditerranée à rendre française et l’Algérie à garder.