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pages. En tête marchaient les spahis. Les deux files latérales se composaient d’infanterie. L’arrière-garde, commandée par le général de Rigny, comprenait des corps d’infanterie et des corps de cavalerie. Des lignes de flanqueurs soutenus par des escadrons de chasseurs protégeaient toutes les faces du carré. Là se retrouva tout entier le héros des Arapiles, le puissant homme de guerre qui avait jadis sauvé des attaques du duc de Wellington 20,000 Français ramenés sans perte devant une armée victorieuse. Le regard ferme, le front calme, le maréchal Clauzel pourvoyait à tout avec une merveilleuse promptitude de coup-d’oeil, et répandait autour de lui l’inébranlable confiance dont il était animé. Dignes de leur chef, les soldats ne cessèrent pas de s’avancer en bon ordre, les cavaliers, dans leur généreuse sollicitude, cédant leurs chevaux aux malades, et les officiers supérieurs tenant les blessés par la main pour les aider à marcher. On raconte qu’un soldat tombant de fatigue et un officier lui demandant s’il ne pouvait plus aller, celui-ci répondit : « Dans un instant je vais avoir la tête coupée. Mais prenez mes cartouches je ne voudrais pas que l’ennemi les employât contre vous. » Touché de tant de courage, l’officier mit pied à terre et plaça le pauvre soldat sur son cheval, qu’il se mit à conduire lui-même par la bride jusqu’à Ghelma.

Mais il était impossible que la retraite ne fût pas douloureuse. La faim se faisait sentir cruellement et ajoutait aux fatigues de la marche. Aussi, dans les moments de halte, voyait-on les bataillons s’éten-