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Soldats, de nouvelles destinées vous sont réservées. Et, prenant l’aigle que portait un officier : « Voici le symbole de la gloire française, qui doit devenir aussi désormais l’emblème de la liberté. » Les acclamations redoublèrent, mêlées au bruit des instruments guerriers ; et le régiment se mit en marche.

Mais une partie de la ville était encore endormie. Aucun aliment ne s’offrait à l’enthousiasme, dans les rues, toutes remplies de silence et solitaires. Seulement, des portes s’ouvraient, de loin en loin, montrant sur le seuil des maisons quelques habitants au visage étonné ; et si, parmi les rares passants qu’on rencontrait, il y en avait qui, emûammés par la vue de l’aigle, se joignaient impétueusement au cortége, d’autres le suivaient d’un mouvement machinal, ou s’arrêtaient, interdits, pour le voir passer.

Au quartier général, le poste présenta les armes en criant Vive l’Empereur, et la colonne s’étant arrêtée, Louis Bonaparte monta chez le général Voirol. Quelques-uns ont pensé que le général Voirol tenait au chef des conjurés par des sympathies très-vives quoique secrètes, et que, s’il ne consentit pas à s’associer activement au complot, il se laissa du moins volontiers réduire à l’impuissance de le combattre. Mais cette hypothèse, démentie par l’ensemble des faits, l’est aussi par les témoignages les plus dignes de foi. Il est sûr que, sommé par le prince d’entrer dans le mouvement, le général s’y refusa en termes énergiques et qu’il fut retenu prisonnier dans son propre hôtel par des canonniers sous les ordres du commandant Parquin.