Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/484

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vaient-ils pas dit : « C’est de la presse de l’Opposition que le coup est parti. Le prince vient d’être poignardé par une idée libérale. » Or, ceux à qui s’adressait la calomnie, à cette époque, c’étaient, entre autres libéraux, MM. de Broglie, Thiers, Guizot, aujourd’hui ministres ! Le dernier fut même frappé alors du coup qui atteignit M. Decazes, son patron, proclamé par M. Clauzel de Coussergues le complice de Louvel. Et maintenant, M. Guizot ne rougissait pas de se faire l’artisan d’une iniquité dont il avait jadis souffert lui-même ! Si cela s’appelle la politique, je ne saurais exprimer jusqu’à quel point la politique me fait pitié.

Il avait été décidé qu’on ferait aux victimes de l’attentat du 28 des funérailles magnifiques, de vraies funérailles nationales. Auguste et touchante pensée, si le ministère n’y eût associé le projet de faire servir la douleur publique au triomphe des mesures qu’il méditait ! Le 5 août (1835), les funérailles eurent lieu. Elles offrirent un inconcevable caractère de tristesse et de grandeur. De l’église Saint-Paul, où les corps avaient été provisoirement déposés, jusqu’à l’hôtel des Invalides, leur destination suprême, ce n’était qu’un océan de têtes, océan dont aucune tempête ne devait, cette fois, troubler les profondeurs, et qui roulait lentement à travers la ville, en la remplissant de son silence. Quatorze chars funèbres furent vus s’avançant l’un après l’autre sur le boulevard. Le premier était celui de la jeune fille si cruellement moissonnée par un hasard terrible ; le dernier, celui du vieux soldat impérial que la mort était venue surprendre dans les distractions d’une fête, après tant et de si dévo-