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d’examiner : dans l’un et l’autre cas, le fait n’admet pas d’excuse, et il restera comme une tache sur la mémoire de M. Thiers.

Les ministres ne s’en tinrent pas là. Il y a dans la vie d’un peuple des moments de stupeur si étranges, qu’il n’est rien qui, alors, ne se puisse obtenir de son imbécillité. Les ministres virent bien que la France était dans un de ces moments de surprise épaisse, et ils en profitèrent pour lui ravir ses libertés. « Mon gouvernement connaît ses devoirs, et il saura les remplir, » avait dit une proclamation royale. Et les journaux ministériels de commenter la menace : il était temps enfin de pourvoir au salut du chef de l’Etat par des mesures énergiques ; il fallait rendre la justice plus prompte dans son action et plus terrible dans ses vengeances ; il fallait rendre l’institution du jury plus dure aux accusés ; il fallait museler la presse et placer définitivement au-dessus de toute discussion non-seulement la personne du roi, mais encore la monarchie constitutionnelle. Que tardait-on ? L’attentat du 28 juillet ne venait-il pas de révéler la source empestée du mal ? Voilà ce que les feuilles du gouvernement soutenaient à l’envi. Comme s’il existait le moindre rapport entre le droit de discussion et les inspirations de la perfidie ! Comme si l’acte d’un fou sanguinaire suffisait pour faire mettre en interdit la raison humaine !

Elle n’était pas nouvelle, au surplus, cette insolente exploitation de l’étourdissement d’un peuple, et les ministres de Louis-Philippe n’étaient ici que les plagiaires de la Restauration. Après l’assassinat du duc de Berri par Louvel, les royalistes n’a-