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nettes brillaient au milieu des orangers et des fleurs. Les troupes consignées dans les casernes, les paquets de cartouches distribués aux soldats de service, les quatre magasins de munitions établis dans le jardin du Luxembourg, l’absence de la garde nationale sur le théâtre des troubles prévus, tout cela disait assez quelles terreurs assiégeaient le gouvernement, et à quelles mains il comptait, en cas de péril, confier ses destinées.

Les juges tremblaient, eux aussi. Soit excès de frayeur, soit respect pour les règles éternelles de la justice, beaucoup de pairs avaient pris le parti de s’abstenir, au risque de s’attirer le ressentiment de leurs collègues, dont la responsabilité se trouvait ainsi aggravée.

À une heure et quart, les accusés furent introduits, et les gardes municipaux se répandirent dans la salle. À deux heures, le président Pasquier entrait, à son tour, suivi des pairs, et ayant à sa droite MM. Portalis et de Bastard, à sa gauche MM. Séguier et Boyer. Les officiers du parquet, MM. Martin (du Nord), procureur-général, Franck-Carré, Plougoulm, Chégaray, de la Tournelle, étaient en robes rouges. M. Barbé-Marbois s’était fait porter à son fauteuil, la tête couverte d’un bonnet noir, et dans un déshabillé de malade. Rien de plus étrange à la fois et de plus imposant que l’aspect de cette assemblée. Ici, des dignitaires au front chauve, au corps affaissé, au regard éteint si la terreur et la passion n’en. eussent par instant ranimé l’étincelle, représentants caducs d’un demi-siècle de gloire et de honte, vieillards célèbres, pour la plupart, dans