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core à sortir pour vendre mon métier, ma commode et mon lit : c’est tout ce qui me reste pour empêcher ma femme et mes filles de mourir de faim. À cette seconde lettre vous n’avez pas répondu plus qu’à la première. En voici une troisième. Je l’ai faite aussi modérée que possible. Vous devez vous apercevoir que je n’ai pas dit tout ce que j’ai sur le cœur. Je ne voudrais pas vous indisposer contre moi, monsieur le baron, surtout au moment où je vous demande une faveur. Je vous demande à sortir quelques heures, non pas sur parole, vous ne croyez pas à ces choses là, mais escorté par des gendarmes, pour assurer un toit et du pain à ce qui reste de ma famille. Je ne sais ce que vous déciderez, monsieur le baron, mais je sais que rien ne pourra changer les sentiments que je vous ai voués.

Sainte-Pélagie. Septembre 1834.

Durdan, ouvrier passementier. » XXXX

Dans une société régie par des institutions philosophiques, nul doute que l’emploi de géolier ne dût être honoré à l’égal des fonctions les plus respectables, et qu’on ne dût appeler à le remplir des hommes d’un noble caractère et d’une vertu éprouvée. Car, quels trésors de modération, de dignité, de fermeté calme et de tolérance n’exige pas l’exercice d’une fonction qui consiste à veiller sur des esprits chagrins ou ulcérés, et à contenir dans de justes bornes le regret de la liberté perdue ? Mais dans la société, telle que l’avait faite le gouvernement de la bourgeoisie, la peine n’était pas seulement une affaire de sécurité, c’était une affaire de vengeance. Aussi n’employait-on, en général, au service des prisons, que des êtres durs, sans éducation, sans pitié, accoutumés à ne voir dans un prisonnier qu’un ennemi, et mettant volontiers leur amour-propre à outrer la haine.

Nous devons, toutefois, à la vérité de reconnaître que ce ne fut guère que pendant les pre-