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par ses agents le secret de la situation, pour ne pas faire révoquer l’ordre, déjà donné, de la retraite ; et il fut décidé que l’armée continuerait à camper dans les ruines sanglantes qu’elle venait de faire.

Pour la seconde fois depuis le commencement des troubles, la nuit venait de suspendre les hostilités. Le temps était triste et chargé de neige. Autour de grands feux, les soldats veillaient, la flamme éclairant de ses reflets leurs regards empreints de défiance et leurs visages pâlis parla fatigue. On voyait çà et là, couchés sur la paille et bivouaquant aussi, des enfants et des femmes qu’on avait arrêtés au passage, prisonniers dont tout le crime était d’avoir dépassé le seuil de leurs demeures. Lyon était plongé dans un silence sans repos et qu’interrompaient seulement, d’intervalle en intervalle, quelques coups de fusil tirés dans le lointain. Tout-à-coup, parmi les troupes postées dans le quartier Saint-Jean, le bruit circule qu’on va passer de l’autre côté de la Saône, et que les chefs jugent indispensable la concentration de leurs forces. Le quartier Saint-Jean était habité par plusieurs fonctionnaires, et, entr’autres, par M. Duplan, homme modéré, qui, dans l’exercice d’un ministère rigoureux, avait su s’attirer jusqu’à l’estime de ses adversaires, et qui, à cause de cela sans doute n’avait pas été initié aussi complètement que M. Chégaray, son inférieur, aux instructions mystérieuses reçues de Paris. Averti, pendant la nuit, qu’on allait abandonner le quartier Saint-Jean et que l’heure était venue de se mettre en sûreté il courut à la préfecture, moins effrayé que surpris. Il y trouve, étendu tout habillé