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dans tous les cas, à déjouer les calculs de la familiarité royale. D’un autre côté, M. de Broglie avait, aux yeux des courtisans, le tort de mettre la main aux affaires, et cela dans un département où le roi s’alarmait de tout contrôle. Enfin, la retraite du ministre des affaires étrangères ne faisait que commencer l’exécution d’un projet couvé depuis longtemps avec complaisance. Unis étroitement, le duc de Broglie, M. Guizot et M. Thiers auraient formé, dans le Conseil, une force contre laquelle se serait trop souvent brisée la politique personnelle du monarque. Il avait donc fallu semer entre eux de sourdes défiances, les armer l’un contre l’autre par un ténébreux et persévérant appel à des sentiments de rivalité. Jusqu’alors le but n’avait été atteint que très-imparfaitement. L’amitié de M. Guizot et du duc de Broglie était restée sans nuages ; et si l’intimité de leur alliance inspirait à M. Thiers quelque inquiétude, il n’en était pas encore venu à croire une séparation profitable pour lui. Mais M. de Broglie sortant du conseil, tout changeait. M. Guizot et M. Thiers se trouvaient face à face, sans lien qui les rapprochât, et avec des caractères différents, des tendances diverses, des talents rivaux, des prétentions égales. Situation qu’il était facile de faire tourner au profit du gouvernement personnel !

Il y avait à remplacer le duc de Broglie comme ministre des affaires étrangères. La présidence resta au maréchal Soult, parce que son illustration militaire était de nature à imposer à l’opinion, et parce que, dans l’intérieur du Conseil, son importance politique n’était point assez grande pour éveiller la