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lorsqu’il rouvrit les yeux, il se trouvait en Suisse, où on l’avait transporté sur une charrette. Les coups de feu n’étaient qu’une fausse alerte. Mais Ramorino avait perdu toute foi dans le succès. Il déclara sans détour à ses compagnons que la tentative était, pour le moment, avortée, et qu’on n’avait plus qu’à regagner la frontière. Le corps fut dissous.

Cette expédition, si déplorable par la complète inanité de ses résultats, fut suivie de récriminations non moins déplorables, ainsi qu’il arrive toujours dans les entreprises avortées. Ramorino fut accusé de trahison, mais l’accusation ne fut point démontrée, les faits allégués contre lui pouvant recevoir une interprétation différente de celle que leur donnait le soupçon aigri par le malheur. A son tour, Ramorino se déclara trahi, sans avoir fourni l’ombre d’une preuve et contre toute espèce de vraisemblance.

Les hommes sont faillibles, les idées justes sont immortelles. Mazzini et ses compagnons le comprenaient, et ils surent se garder de tout découragement pusillanime. Mais un regret dut leur rester, celui d’avoir jeté sur la cause qu’ils défendaient une défaveur momentanée. Car l’orgueil de leurs ennemis s’en accrut ; l’Autriche, la Russie, la Prusse, s’unirent à la Sardaigne dans un commun anathême contre les partisans d’une Italie indépendante ; les chancelleries s’irritèrent, menacèrent ; et la Suisse, terre de liberté, suprême asile ouvert à l’infortune des proscrits, la Suisse se vit condamnée, après une glorieuse résistance, à mesurer désormais plus prudemment les bienfaits de son hospitalité. Il est