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des haines mal éteintes et y soulever de formidables débats.

Nul n’ignore en quoi consiste la traite, cet infâme recrutement d’esclaves, ce hideux commerce de chair humaine, que Mirabeau flétrissait si énergiquement lorsqu’il donnait aux vaisseaux négriers le nom de bières ambulantes. Le 16 pluviôse an II (1794), la Convention française avait eu la gloire d’abolir, par une décision qu’annula Bonaparte, non seulement l’esclavage, mais la traite, qui perpétue l’esclavage au moyen du vol des nègres africains. L’exemple fut suivi par l’Angleterre : en 1808, le parlement anglais, à une très forte majorité, proscrivit la traite. il ne faisait en cela que compléter la politique à laquelle les nègres des colonies anglaises avaient dû leur liberté. On a cru et on a dit, dans presque tous les pays de l’Europe, qu’en décrétant l’abolition de l’esclavage, le gouvernement anglais avait caché sous le manteau de la philantropie les calculs d’un égoïsme profond ; qu’il avait voulu, par l’émancipation des nègres, ruiner la culture du sucre des Antilles, pour assurer à son sucre indien la possession du marché de l’univers. Les combinaisons machiavéliques sur lesquelles l’aristocratie anglaise a fondé sa domination et le maintien de l’esclavage dans les Indes-Orientales, autorisent l’hypothèse, mais ne suffisent pas pour permettre l’affirmation. Attribuer avec légèreté à des motifs sordides les actes qu’expliquent naturellement des raisons puisées à ces grandes sources du cœur qui ne sont jamais tout-à-fait taries, c’est tenir en trop petite estime et soi-même et l’humanité. Il faut, d’ailleurs, reconnaître que c’est la nation