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l’Europe des rois, à sauver la France-révolutionnaire ? On les a d’abord appelés esclaves, puis vilains ; aujourd’hui on les appelle pauvres : en changeant de qualification leur condition a-t-elle changé de nature ? De droit, ils sont libres ; de fait, ils sont esclaves.

La conséquence était facile à tirer. Au lieu de cette liberté, nouveau moyen d’oppression fourni à ceux qui étaient en état d’en faire usage et qui pour les autres n’était qu’un leurre, les vrais amis du peuple voulurent un gouvernement tutélaire et fort, afin que sa force servît à protéger les faibles, et changeât le droit en faculté. De là cette admirable et auguste définition : « La liberté est le pouvoir qui appartient à l’homme d’exercer à son gré toutes ses facultés ; elle a la justice pour règle, les droits d’autrui pour bornes, la nature pour principe et la loi pour sauve-garde[1]. »

Après 1830, l’état social étant ce qu’on l’avait fait en 1789, le problème restait évidemment tel que l’auteur de la définition précédente l’avait posé : la grande question était toujours de rendre les prolétaires libres de fait, ce qui revenait à leur donner des moyens de développement, des instruments de travail ? Or, qui leur donnerait tout cela sinon un gouvernement démocratique assez fort pour faire prévaloir l’association sur la concurrence, et la

  1. Qu’on rapproche de cette définition celle-ci donnée par M. Dupin ainé (consultation contre les Jésuites) : « La liberté est le droit de faire tout ce que la loi ne défend pas. »

    Quelle niaiserie ! Et si la tyrannie est dans la loi elle-même.