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soit tout à la fois gratuite et obligatoire. Obligatoire, on n’aurait pu la rendre telle en France sans toucher à l’organisation du travail, parce que, sous l’influence d’un régime aussi insensé que barbare, le travailleur pauvre en était réduit presque partout à considérer ses enfants comme un supplément de salaire et avait trop besoin de leurs services pour avoir souci de leur instruction. Forcer le père à mourir de faim, pour instruire le fils, n’eût été qu’une dérision cruelle. Mais cela même aurait dû faire sentir combien toute réforme partielle est absurde, et qu’il n’y a d’amélioration véritable que celle qui se lie à un ensemble de réformes constituant une rénovation sociale, profonde, hardie et complète. M. Guizot n’était pas en état de le comprendre.

Son projet renfermait un autre vice. Lorsqu’un pouvoir a un but, il se doit d’y pousser la société avec unité de vues, avec suite, avec vigueur. En matière d’enseignement, la centralisation ne saurait être trop forte. Permettre, dans un pays déchiré par les factions, la folle concurrence des écoles privées, c’est inoculer aux générations nouvelles le venin des discordes civiles, c’est donner aux partis rivaux le moyen de se continuer, de se perpétuer au milieu d’une confusion croissante d’opinions et de principes, c’est semer dans le chaos. Sacerdoce sublime quand l’État y pourvoit, l’éducation du peuple n’est plus, quand elle est abandonnée au caprice individuel, qu’une spéculation pleine de dangers ; et ce qu’on appelle la liberté de l’enseignement n’est que la gestation de l’anarchie. Sous