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VIE ET ŒUVRE

pos de Fumée, je pense que la force de la poésie réside dans l’amour, et la direction de cette force dépend du caractère. Sans la force de l’amour, il n’y a pas de poésie. La force faussement dirigée donne le caractère faible et désagréable du poète ; cela dégoûte. Dans Fumée, il n’y a presque pas d’amour, si bien qu’il n’y a pas de poésie ; il n’y a que l’amour de l’adultère, de l’adultère léger, frivole ; aussi la poésie de cette nouvelle est-elle repoussante.

« Vous voyez que c’est précisément ce que vous écrivez. J’ai peur seulement d’exprimer cette opinion, parce que je ne puis regarder froidement l’auteur dont je n’aime pas la personne. Mais il me semble que mon impression est semblable à celle de tous. Encore un de fini ! Je sens et j’espère que mon tour ne viendra jamais. Et je pense la même chose de vous. Je fonde des espoirs sur vous comme sur un poète de vingt ans, et je ne crois pas que vous finissiez jamais. Je ne connais pas d’homme plus frais et plus fort que vous. Votre courant roule toujours en donnant la même quantité d’eau, de force. La roue sur laquelle il tombait se brise, se dérange, on l’enlève ; néanmoins le courant avance toujours, s’enfonce quelque part sous la terre, d’où il jaillira de nouveau et fera tourner une autre roue. Pour Dieu, ne pensez pas que je vous dise tout cela pour m’acquitter d’une dette envers vous, qui me dites toujours des choses encourageantes. Non, je le pense et le pense de vous seul. »

En janvier 1868, Tolstoï part avec toute sa famille pour Moscou, pour deux mois, et s’installe rue Kislovka. C’est là qu’il eut la visite du consul amé-