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LÉON TOLSTOÏ

torité ecclésiastique. Aussi, se sentant souffrant, il ne voulut pas rompre le carême sans y être autorisé par l’Église. Il alla donc à la Trinité et demanda au père Léonide d’être dispensé du jeûne. Ce fut sa dernière tentative de suivre la doctrine de l’Église.

Le 30 septembre nous trouvons déjà, dans son carnet, le plan de sa future œuvre.

« L’Église, depuis le troisième siècle jusqu’à nos jours, n’est que mensonges, cruautés et tromperies. Au iiie siècle, quelque chose de grand s’y cache encore. Qu’est-ce ? Examinons l’Évangile. Que dois-je faire ? Voilà la question de l’âme, la seule. Qu’ont dit les autres : Comment ? Les commandements. »

« 28 octobre. Il y a dans ce monde des gens lourds, sans ailes. Ils s’agitent en bas. Parmi eux il y a des forts : Napoléon. Il laisse des traces terribles parmi les hommes. Il sème la discorde. Mais tout cela sur la terre. Il y a des hommes qui se laissent pousser des ailes, s’élancent lentement et planent : les moines. Il y a des hommes légers qui se soulèvent facilement et retombent : les bons idéalistes. Il y a des hommes aux ailes puissantes que la volupté fait descendre au milieu de la foule où leurs ailes se brisent : moi, par exemple. Ensuite on bat de son aile brisée, on s’élance vigoureusement et l’on retombe de nouveau. Les ailes seront guéries. Je volerai très haut. Que Dieu m’aide. Il y a des hommes avec des ailes célestes qui, par amour pour les hommes, descendent sur la terre en repliant leurs ailes, et apprennent aux hommes à voler. Puis, quand ils ne sont plus nécessaires, ils remontent : Christ. »