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VIE ET ŒUVRE

ainsi, je n’aurais de quoi écrire. Ayant vécu cinquante ans, je me suis convaincu que la vie ne donne rien. Pour l’homme intelligent qui regarde sérieusement la vie, qu’y a-t-il ? le travail, la peur, le remords, la lutte. Pourquoi ? C’est une sorte de folie. Celui-ci se tuera tout de suite, et Hartmann, Schopenhauer ont raison. Mais Schopenhauer laissait entendre qu’il y a quelque chose pour quoi il ne s’est pas tué. Ce quelque chose fait le but de mon livre. De quoi vivons-nous ? La religion[1]. »

On peut penser que Tolstoï fait allusion à cette œuvre dans sa lettre à Fet, à propos de la mort de son fils, quand il parle du sujet d’une nouvelle œuvre qui a surgi précisément au moment le plus pénible de la maladie de l’enfant. Par suite, dans sa correspondance, cette idée se précise peu à peu, et l’on rencontre des phrases qui indiquent un travail moral commencé en lui, et se développant de plus en plus.

Au mois de mai 1876, il écrit à N. N. Strakov :

« Ces jours-ci était chez moi P. Samarine. Il m’a lu l’article de son frère sur la religion. Vous le lirez dans la Revue orthodoxe. Je vous prie de m’écrire votre opinion. Dans cet article est très bien la preuve basée sur l’influence de Dieu sur l’homme et sur l’importance que l’homme attribue à sa personnalité. Remarquable également, dans le même ordre d’idées, l’importance et la réalité que l’homme attribue à la matière. Il ne parle pas de cela, mais n’est-ce pas qu’il n’y a pas de connaissance plus simple et plus indiscutable que celle de

  1. Archives de L. N. Tolstoï.