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LÉON TOLSTOÏ

ration vers l’idéal. Ses idéals sont différents et changent souvent, car un seul ne satisfait pas l’âme ardente de l’enfant. Tantôt cet idéal devient son frère aîné Serge, tantôt son frère Nicolas. Tantôt il rêve d’un bonheur vague, général, tantôt il tâche d’exprimer graphiquement l’idée de l’immortalité. Tantôt ses pensées tournent au scepticisme : il doute de la réalité du monde extérieur, et il cherche l’irréel. À la fin de l’adolescence, son idéal se précise, il s’exprime par la recherche du chemin vers la vertu, vers le bien.

Avec cette aspiration si étrangère à l’enfance, il entre dans la période de la jeunesse. Le processus compliqué de la pensée entre déjà en fonctions et donne un soutien à ses aspirations. Il peut s’analyser, classer ses élans moraux. Le héros de la Jeunesse, qui reflète en lui le monde moral de Tolstoï, dit qu’en ce temps sa principale aspiration était celle du perfectionnement moral. Mais à côté venaient les aspirations particulières : l’amour d’elle, l’amour de l’amour, la soif de la gloire, et comme réaction : le repentir, l’humilité.

« Le repentir, dit-il, était jusqu’à tel point fondu avec l’espoir du bonheur qu’il n’avait rien de triste. Je jouissais même de mon dégoût du passé et tâchais de le voir plus sombre qu’il n’était. Plus le cercle des souvenirs du passé était sombre, plus les points lumineux du présent me paraissaient clairs et purs et plus devenaient brillantes les couleurs d’arc-en-ciel de l’avenir. »

À dix-huit ans, Tolstoï commence à écrire son journal. On y retrouve les traces de son travail intérieur. Il s’impose des règles de vie, se distribue des