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LÉON TOLSTOÏ

village du gouvernement de Samara, écrivait-il, j’ai été témoin de la misère profonde qui accable le peuple, par suite de trois années de disette et surtout de la disette de cette année. J’estime de mon devoir de faire connaître aussi véridiquement que possible la situation pitoyable de la population rurale de cette province, et d’appeler tous les Russes à son aide. J’espère que vous ne refuserez pas à ces lignes l’hospitalité de votre journal.

« Comment recueillir les offrandes et à qui en confier la distribution, vous le savez mieux que moi, et je suis sûr que vous ne refuserez pas de collaborer à cette œuvre.

« L’année 1871, fut très mauvaise pour la province de Samara. Les paysans riches, qui faisaient de grandes semailles, sont devenus simplement aisés ; les paysans aisés qui durent réduire leurs semailles eurent juste de quoi se nourrir ; et des paysans qui jusqu’ici ne connaissaient pas le besoin furent contraints de vendre une partie de leur bétail. Quant aux paysans autrefois besogneux, ils se sont endettés, ils sont maintenant réduits à la mendicité ; ce qui n’existait pas auparavant. L’année suivante, la disette força les paysans aisés à diminuer leurs semailles et à vendre le bétail superflu. De sorte que le prix des chevaux et des bêtes à cornes baissa de moitié. Les paysans qui jusqu’alors avaient pu arriver, commencèrent à vendre le bétail qui leur faisait besoin, et s’endettèrent. Quant aux autres paysans, ils grossirent de plus en plus le nombre des mendiants. Cette année, où il n’est déjà plus question de disette mais de famine, les neuf dixièmes de la population de ce pays, jadis riche, sont con-