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ment : « Votre conscience est une sotte! » Une pareille scène apprenait à l’évêque qu’il était entièrement disgracié. Ce qui pouvait l’en consoler, c’était l’amour filial que lui portaient ses diocésains et qu’il avait obtenu dès le commencement de son épiscopat à Gand par l’aménité de son caractère, sa droiture, sa piété éminente et son dévouement au saint siége. Cette affection grandit encore par le mécontentement de l’empereur. Bientôt la conduite du prélat au prétendu concile national vint mettre le comble au ressentiment de Napoléon. En effet, l’évêque de Gand avait exercé une grande influence sur la commission du message qui rejeta les innovations schismatiques proposées par le pouvoir. Le 12 juillet, les évêques de Gand, de Tournai et de Troyes furent arrêtés pendant la nuit et mis au secret le plus rigoureux dans le donjon de Vincennes. Cette captivité, pénible surtout pour une organisation aussi délicate que la sienne, ne permit à Maurice d’autre délassement que d’écrire avec le plomb des fenêtres, sur le papier qui avait enveloppé les aliments secs qu’on lui portait, un commentaire sur quelques fables de La Fontaine. Vers la fin de novembre, on lui demanda la démission de son siége, comme si un tel acte, souscrit dans un donjon, pouvait avoir quelque valeur. L’évêque la donna et dut partir pour Beaune, mais l’année suivante, comme on le soupçonnait d’entretenir encore des relations avec son diocèse, on l’exila dans l’île Sainte-Marguerite, sur les côtes de l’ancienne Provence. En 1813, Napoléon ayant nommé à l’évêché de Gand l’abbé de la Brue de Saint-Bauzille, on ramena Mgr de Broglie en Bourgogne et on le contraignit, presque mourant, de déclarer de nouveau qu’il renonçait à l’administration de son diocèse. Cet acte, signé à Dijon le 8 juillet, causa dans l’Église de Gand des vexations et des troubles dont le récit n’appartient pas à cette notice, mais il n’ébranla qu’un bien petit nombre d’ecclésiastiques. De là, le 13 septembre, de nouvelles instances pour obtenir une déclaration plus explicite, mais il y fut répondu cette fois par un refus formel. Enfin la chute de l’empire français, en 1814, fit cesser cette déplorable persécution et l’évêque si durement éprouvé put revoir ses ouailles. Le 24 mai, il fit à Gand une entrée vraiment triomphale et fut accueilli par le clergé et les fidèles avec autant d’allégresse qu’autrefois saint Eusèbe de Verceil et saint Hilaire de Poitiers au retour de leur exil. L’humble ncandeur avec laquelle il exprima ses regrets d’avoir signé l’acte du 8 juillet, devant son chapitre d’abord et ensuite dans un mandement, lui donna de nouveaux droits à la confiance et au dévouement de ses diocésains. Il s’occupait activement à fermer les plaies que la domination française avait faites dans son Église, quand un nouvel orage vint fondre sur lui et son clergé. Le congrès de Vienne ayant réuni la Belgique à la Hollande sous le sceptre du prince d’Orange, le nouveau gouvernement proposa à des notables de son choix un projet de constitution qui devait alarmer les catholiques. L’évêque de Gand fit paraître successivement à ce sujet une Adresse au roi, une Instruction pastorale et un Jugement doctrinal, que signèrent après lui tous les ordinaires de Belgique. Puis, afin de donner une plus haute sanction à ces documents, il soumit toutes ses démarches au pape, et, non-seulement Pie VII les approuva par un bref, mais il fit même adresser au roi des Pays-Bas des représentations qui restèrent sans effet. Peu après, le prélat demanda à Rome de pouvoir, si la demande en était faite, ordonner des prières publiques pour le roi et la famille royale et se hâta de les prescrire quand il en eut obtenu la faculté. C’était faire preuve de sagesse et de modération. Néanmoins ce gouvernement, dirigé par le hargneux ministre Van Maanen et par le baron Goubau, connu par sa participation aux attentats irréligieux de Joseph II, imputa à l’évêque de Gand le rejet de la Constitution, dû à la grande majorité des notables belges et il résolut de lui intenter une action criminelle. On le somma de comparaître devant le conseil d’État ou de se justifier par écrit. Après un moment d’hésitation, le prélat répondit et réfuta sans peine des