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Tous les états furent convoqués afin d’envoyer des députés à Bruxelles, munis des pouvoirs nécessaires. La cérémonie de l’abdication, indiquée au 14 octobre, fut successivement reculée jusqu’au 25. Le 20 Charles manda les chevaliers de la Toison d’or qui se trouvaient dans la capitale, et leur annonça l’intention qu’il avait de se démettre de la souveraineté de l’ordre en faveur de son fils. Le lendemain il les réunit en un conseil qu’il présida; Philippe était à son côté : leur ayant rappelé sa communication de la veille, il les invita à reconnaître le roi pour chef de l’ordre après qu’il aurait été investi de la souveraineté des Pays-Bas. Philippe se retira alors, et la proposition de l’empereur fut mise aux voix. Les chevaliers présents étaient le duc de Savoie, les comtes de Boussu, de Lalaing, d’Egmont, d’Arenberg, le marquis de la Vère, les seigneurs de Brederode, de Bugnicourt, de Molembais et de Werchin; tous votèrent pour l’affirmative. Philippe étant rentré, les chevaliers ses confrères lui adressèrent leurs félicitations. L’empereur entretint après cela le conseil du dessein qu’il avait de renvoyer le collier de l’ordre de Saint-Michel dont le roi François Ier l’avait décore en 1516 : les motifs qu’il en donna furent l’inimitié que ce roi lui avait montrée jusqu’à sa mort et que le roi régnant lui continuait, l’admission dans l’ordre d’hérétiques, de traitres et d’autres personnes infâmes, sa résolution bien ferme de ne le porter ni d’en observer les statuts en Espagne. Les chevaliers, à l’unanimité, approuvèrent son propos[1]. Le même jour Charles-Quint pourvut à un nombre considérable de dignités ecclésiastiques et de charges civiles et militaires qui étaient vacantes; ce fut comme son testament administratif. La faveur n’eut point de part à ces nominations; le mérite, les services rendus à l’État furent les seuls titres auxquels l’empereur eut égard[2].

Au moment où Charles allait achever son rôle politique, il aurait souhaité avoir une entrevue avec le roi des Romains, son frère. Les rapports entre les deux chefs de la maison d’Autriche, autrefois si affectueux, si intimes, s’étaient refroidis depuis que Charles avait eu la malencontreuse idée de faire passer la couronne impériale sur la tête de son fils. Les archiducs n’éprouvaient que de l’antipathie pour le prince d’Espagne, qui ne les aimait pas davantage. Le mariage de Philippe avec la reine d’Angleterre venait de donner au roi des Romains et à ses enfants un nouveau sujet de déplaisir : Ferdinand avait aspiré à la main de la reine pour le second de ses fils, celui qui portait son nom. Enfin il n’avait pas lieu d’être content des réponses faites, sur des points d’une grande importance pour l’archiduc Maximilien, à don Pedro Lasso, envoyé par lui à Bruxelles et à Londres, à l’occasion de ce mariage. Charles-Quint aurait été heureux de voir, avant de s’ensevelir dans la retraite, la concorde rétablie entre tous les membres de la famille impériale, et la venue de son frère lui semblait propre à y contribuer; il aurait voulu aussi entretenir le roi des Romains de la situation de l’Allemagne. Le roi ne se rendit pas à son désir; il allégua les affaires de l’Empire et de ses propres États, qui lui imposaient le devoir de ne pas les quitter, et se contenta — encore ne le fit-il qu’au dernier moment — de faire partir pour les Pays-Bas son second fils. L’archiduc Ferdinand arriva à Bruxelles le lendemain de l’abdication[3]; il n’y séjourna que huit jours.

  1. Charles n’avait pas encore renvoyé l(I) Cliiiries n’avait fins encore renvoyé l’ordre de Saint-Michel, lorsqu’il s’embarqua pour l’Espagne, et, à cause des circonstances de la guerre, ce fut seulement le 14 juillet 1558, à Villers-Cotterets, qu’Antoine de Beaulaincourt, seigneur de Bellenville, premier roi d’armes, dit Toison d’or, remit le grand collier, le manteau et le livre de l’ordre entre les mains de Jean de Thier, seigneur de Beauregard et de Menars, commis par le roi de France pour les recevoir. (Retraite et mort, etc. Introduct., p. 75.)
  2. Retraite et mort, etc. Introduct., pp. 72-78.
  3. Retraite et mort, etc. Introduct., pp. 70-71. Nous avons supposé, dans cet ouvrage, que l’archiduc Ferdinand était arrivé à Bruxelles le 21 ou le 22 octobre; nous sommes en état aujourd’hui de préciser la date d’après une lettre qu’écrivit à Côme de Médicis, le 26 octobre 1555, l’évêque Tornabuoni, son ambassadeur à la cour impériale, et que nous avons vue aux Archives de Florence.