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pes dans l’État de Sienne, avait, à Lucignano, fait essuyer une déroute complète aux troupes de France ayant à leur tête le maréchal Strozzy[1]. Charles assit son camp entre Faulquembergue et un lieu appelé les Plaines de Marcq. Dans la nuit du 12 au 13 il tenta de donner une camisade aux ennemis, mais cette entreprise échoua[2]. Les Français étaient protégés, à la gauche du camp impérial, par un bois qui s’étendait sur le revers d’une colline descendant en pente douce vers Renty, et par une vallée, large d’un quart de lieue, profonde et marécageuse[3]; ils avaient dans le bois un nombre considérable d’arquebusiers. L’empereur, le 13 au matin, les ayant fait reconnaître, ordonna qu’on conduisit au haut de la vallée, lequel était à front de son camp, treize ou quatorze pièces de grosse artillerie, soutenues par dix enseignes d’Allemands, pour canonner le bois, tandis que douze cents arquebusiers espagnols, wallons, hauts et bas-allemands, avec quelques piques, cinquante chevau-légers et autant de noirs harnas, y pénétreraient, tâchant d’en chasser les Français et de s’y loger. La chose fut si bien exécutée qu’en moins d’une heure les impériaux demeurèrent maîtres du bois, après avoir fait subir à l’ennemi une perte de plus de sept cents hommes. Le but de l’empereur était atteint; tout ce qu’il voulait c’était d’occuper cette position, pour y établir son camp et contraindre le roi à venir l’y chercher à son désavantage ou à se retirer devant lui[4]. Malheureusement le fruit de ce succès fut perdu par l’imprudence de ceux à qui en revenait l’honneur. Les troupes qui s’étaient emparées du bois avaient été renforcées, à leur demande, de quelques enseignes de piétons et de deux cents noirs harnas sous la charge du comte de Schwarzbourg; elles se crurent assez fortes pour aller délier les Français jusque dans leurs retranchements; elles furent battues et regagnèrent en désordre le camp impérial. Les Français, profitant de leur avantage, renouvelèrent leurs attaques contre Renty, d’où, à la suite de leur défaite de la matinée, ils avaient commencé de retirer leur artillerie; on crut même qu’ils allaient venir livrer bataille à l’empereur[5]. Mais tout se borna, de leur part, à des bravades et au déploiement de plusieurs escadrons de cavalerie près du bois qu’ils avaient repris[6]. Le 14 à minuit ils décampèrent. Une brume épaisse fut cause qu’à l’armée impériale on eut connaissance de leur mouvement de retraite seulement entre neuf et dix heures du matin. Charles-Quint se mit aussitôt à leur poursuite avec toute sa cavalerie et quelque nombre de gens de pied; mais ils avaient trop d’avance, et, après avoir fait deux lieues, il revint à son camp. « Je rends grâces à Dieu » — écrivit Charles à la reine sa sœur — « qu’ils s’en vont enfin avec honte et perte, quoi qu’ils sussent dire, et que j’ai achevé mon emprise de secourir Renty et déchassé les ennemis, pour la seconde fois cet été, hors de mes pays[7]. »

Les Français s’étaient retirés vers Montreuil et il y avait peu d’apparence qu’ils songeassent à un nouveau mouvement offensif contre Renty, Le roi avait laissé son armée et pris le chemin de Compiègne. Charles, pendant qu’il était près de Bouchain, avait eu un accès de goutte[8]; il craignait qu’elle ne le reprît[9] : il résolut,

  1. Sismondi, t. XII. p. 267.
  2. Lettre de Granvelle à la reine Marie, du 13 août.
  3. Alex. Henne, t. X, p. 140.
  4. Cette intention de Charles-Quint, qui ne peut être mise en doute, car elle est attestée par Granvelle écrivant à la reine Marie, répond au reproche, adressé par M. Henne à l’empereur (t. X, p. 142), d’avoir perdu l’occasion d'’une éclatante victoire, et à ce qu’il dit plus loin (p. 144), que « de douloureuses infirmités, de cruels chagrins avaient affaibli sans doute l’énergie du vainqueur de Mühlberg. ».
  5. Tous les détails que nous donnons sur l’affaire de Renty sont tirés d’une lettre que Granvelle écrivit à la reine Marie, le 13 août, et qui est conservée en original aux Archives impériales, à Vienne. Granvelle était présent à cette affaire.
  6. Deuxième lettre de Granvelle à la reine Marie datée du 13 août. Celle-ci est aux Archives du royaume.
  7. Lettre du 15 août. La minute est aux Archives du royaume.
  8. Lettre de la reine Marie à Granvelle, du 4 août. (Arch. du royaume.)
  9. Il écrivait à la reine Marie le 16 août : « Ma disposition est telle que je doibs craindre beaucoup de choses pour doubte que je ne soye rattainct, et pourtant me convient d’excuser d’estre en campagne tout ce que n’est de besoing. » (Archives de royaume.)