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l’histoire ne dira-t-elle pas, avec Granvelle, « que ce qu’il avait voulu faire pour prétendre en prendre vengeance, était chose si basse qu’elle ne devait tomber au cœur de personne portant titre de roi[1]? » Nous lisons, dans les dépêches du nonce accrédité à la cour de Bruxelles, que la reine, en apprenant ce qui était arrive à Marimont et à Binche, entra en une grande colère[2] : les lettres qu’elle écrivit à l’évêque d’Arras témoignent, au contraire, d’une admirable constance et d’une indifférence stoïque pour les pertes qu’elle venait de subir[3].

Charles-Quint, quoique les renforts qui lui étaient parvenus n’égalassent pas à beaucoup près ses forces à celles du roi[4], avait résolu de lever son camp et de suivre les ennemis, pour profiter des occasions qu’ils lui offriraient de les combattre avec avantage, et leur faire payer les exactions et les pillages auxquels ils s’étaient livrés envers ses sujets[5]. Au moment d’exécuter cette entreprise, il signa des patentes par lesquelles il faisait donation à son fils de tous ses États et seigneuries, pour qu’il les gouvernât et les tînt, à compter du jour dont elles portaient la date, comme chose à lui appartenance[6]. Il avait, six semaines auparavant, à Bruxelles, dicté un testament par lequel il annulait et révoquait tous ses testaments antérieurs[7]. Le 21 juillet il coucha à Onnay et le lendemain à Gosselies. Sa santé était en ce moment assez bonne, et c’était à cheval qu’il marchait à la tête de ses troupes[8]. Il reçut, en chemin, la nouvelle du débarquement du prince d’Espagne à Southampton, et des dispositions qui se faisaient pour l’accomplissement de son mariage avec la reine d’Angleterre. Voulant que son fils ne fût point inférieur en dignité à la femme dont il allait recevoir la main, il avait pris la détermination de lui céder le royaume de Naples : les lettres contenant cette cession furent présentées au prince, en l’église de Winchester, au moment où le mariage allait se célébrer[9], par le conseiller d’État Figueroa, l’un des principaux ministres de l’empereur pour les affaires d’Espagne[10]. Le 24 juillet Charles campa à Bavay. Les Français étaient en pleine retraite. Le 25 l’empereur envoya sa cavalerie contre leur arrière-garde qu’elle rencontra à une lieue et demie plus loin que le Quesnoy; mais celle-ci fit une telle diligence qu’il fut impossible aux impériaux de l’atteindre; ils durent se contenter de donner sur le bagage, dont plus de cinq cents chariots furent pris et saccagés par eux et par les paysans[11]. Charles-Quint continuait de suivre les ennemis : il coucha au Quesnoy le 27 juillet, à Haspre le 28, à Douchy le 29, aux environs de Bouchain le 1er août. Il avait invité la reine Marie à se transporter à Valenciennes; il lui donna rendez-vous, le 2 août, à Bouchain, afin de conférer avec elle sur les affaires publiques[12].

La reine retourna à Bruxelles quelques

  1. Théod. Juste, Vie de Marie, reine de Hongrie, p. 112
  2. « ..... Essa serenissima regina ne tien gran colera, et massimamente del giardino, donde non hanno perdonato sin agli alberi donatili del re Francesco suo padre ..... (Dépêche de l’archevêque de Conza du 27 juillet : vol. cité, fol. 150)
  3. M. Théod. Juste, l. c., a publié une de ces lettres. Dans l’autre, qui est conservée en original aux Archives du royaume, Marie s’exprima ainsi : « Quant à ce que m’escripvez dudict Binches, je passe facillement le regret, estant cas de guerre, et vouldroye que je fusse seulle qui deust souffrir, et que tant de gentilshommes et aultres subgectz on fussent esté exemptz. »
  4. Dans une dépêche du 22 juillet, l’archevêque de Conza écrit que, d’après ce qu’on affirme, l’armée royale est forte de 35,000 hommes d’infanterie et de 6,000 à 9,000 chevaux, et que celle de l’empereur ne se compose que de 30,000 gens de pied et 7,000 chevaux. Mais ces indications ne sont rien moins que certaines
  5. Lettre de l’empereur à la reine Marie, du 21 juillet; instruction de l’empereur pour le seigneur de Sonastre, envoyé à la reine, 21 juillet (Archives du royaume). — Relation des mouvements, etc., p. 111.
  6. Instruction donnée par Charles-Quint, le 1er septembre 1554, à Francisco de Erasso. envoyé par lui au roi d’Angleterre, son fils. (Arch. de Simancas, Estado, leg. 7.)
  7. Sandoval, t. II, p. 639.
  8. « S. M. Cesa stà bene; dorme nel campo et cavalca seguitando con ogni diligenza quanto deve..... » (Dépêche de l’archevêque de Conza du 22 juillet : vol. cité; fol. 144.)
  9. Le 25 juillet.
  10. Analectes historiques, t. I, p. 21.
  11. Relation des mouvements, etc., p. 113.
  12. Correspondance de Charles-Quint avec la reine, aux Archives du royaume.
        Dans la lettre du 1er août où Charles invite la reine à se rendre à Bouchain le jour suivant, il lui dit qu’il s’y rendra de son côté « pour disner, à son heure ordinaire, de ce qu’il portera à son accoustumé, pour non se desreigler. »