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autre édit, il avait déclaré rachetables au denier vingt toutes les rentes foncières et tous les droits seigneuriaux constitués sur les maisons, jardins, marais, en se mettant au lieu et place des propriétaires, auxquels il servirait les intérêts du capital[1] ; qu’un troisième édit frappait d’un emprunt forcé de trois cent mille livres tournois les bonnes villes du royaume[2]. Il se créa d’autres ressources, en 1554, par l’augmentation illimitée du nombre des offices de judicature, d’administration, de finances, qu’il mit tous également à l’enchère[3]. Ces mesures et d’autres que nous passons sous silence firent entrer de grosses sommes dans ses coffres ; aussi fut-il en état de rassembler des forces imposantes pour la campagne qui allait s’ouvrir.

Charles-Quint, en ce temps, ne s’occupait plus guère des affaires publiques ; il s’en reposait sur la reine Marie, sur l’évêque d’Arras, sur Louis de Flandre, seigneur de Praet. La reine, en 1551, pour arrondir les dépendances du palais, avait fait l’acquisition, à l’extrémité du Parc, vers la rue de Louvain, d’une maison appartenant à Philibert de Mastaing, seigneur de Sassegnies, et qui consistait dans un corps de logis ayant un seul étage, auquel on arrivait par un escalier de dix ou douze marches[4]. Cette modeste habitation, que le cardinal d’Imola comparait à la cellule d’un chartreux[5], plut à l’empereur ; dans l’été de 1553 il alla s’y établir jusqu’à son départ pour l’armée[6]. Il y retourna au printemps de l’année suivante. Là il n’était entouré que de ses serviteurs les plus intimes ; il ne recevait personne ; tous les jours, lorsque le temps n’y mettait pas obstacle, il se promenait à cheval dans le Parc ; ce genre de vie exerçait une influence salutaire sur sa santé. Il s’était pris d’une sorte de passion pour les horloges et pour l’astronomie ; dans sa petite maison il s’y abandonnait sans réserve. Entre les horloges qu’il possédait, il y en avait une où étaient représentés les corps célestes avec tous leurs mouvements : son passe-temps habituel était de considérer ceux-ci[7].

Cependant les Français, qui, dès le mois d’avril, avaient commencé les hostilités sur les frontières de l’Artois, de la Flandre et du Luxembourg, mirent sur pied, au mois de juin, trois armées dont le rassemblement se fit près de Crécy en Laonnais : l’une, et la principale, était sous les ordres du connétable, ayant pour lieutenants le maréchal de Saint-André et le duc de Vendôme ; la deuxième était commandée par le prince de la Roche-sur-Yon ; la troisième avait pour chef le duc de Nevers. On était persuadé, à Bruxelles, que le but des ennemis était de s’emparer d’une partie de l’Artois et du Hainaut ; on craignait aussi pour Cambrai ; le gouvernement s’attacha à munir les places menacées, à en renforcer les garnisons, et, dans les premiers jours de juin, l’empereur résolut de concentrer autour de Cambrai les troupes qu’en ce moment il avait à sa disposition[8]. Il en nomma général le duc de Savoie, en lui donnant pour conseillers Antonio Doria et Gio. Battista Castaldo ; il fit chef de la cavalerie D. Luis d’Avila y Zúñiga, l’auteur des Commentaires de la guerre contre les protestants d’Allemagne, et plaça à la tête des arquebusiers à cheval D. Fernande de Lannoy[9]. Emmanuel-Philibert partit pour Cambrai dans la nuit du 18 au 19 juin[10] ; la reine Marie, afin de le seconder et de prendre les me-

  1. Edit du mois de mai 1553. (Isambert, t. XIII, p. 323.)
  2. Edit du mois de juillet 1553. (Ibid., p. 335.)
  3. (3) Isambert, t. XIII, passim..
  4. Retraite et Mort de Charles-Quint, Introduction, p. 78.
  5. ….. Una casetta non più grande nè più commoda di quello che sia la stanza d’un fratre certosino…. (Dépêche du 24 juin 1553 au cardinal del Monte : Nunziatura di Fiandra, vol. Ier, fol. 96.)
  6. Dépêche citée à la note précédente.
  7. Dépêches de l’archevêque de Conza, Girolamo Muzzarelli, nonce à Bruxelles, au cardinal del Monte, des 5, 15, 19, 27 mai, 1er, 3 et 15 juin. (Arch. du Vatican, Nunziatura di Fiandra, vol. II, fol. 72, 81, 83, 90, 92, 94, 104.)
        L’archevêque écrit, dans celle du 15 mai : « S. M. stà sana et per anco al casino, passando parte del tempo intorno ad uno horologio il qual ha tutti i moti di pianete et quanto si può conoscere nell’ astrologia….. »
  8. Lettre de Charles-Quint au prince Philippe, du 28 juin 1554, dans Retraite et Mort, etc., Introduction, p. 165.
  9. Dépêche de l’archevêque de Conza au cardinal del Monte, du 10 juin. (Nunziatura di Fiandra, vol. II, fol. 101.)
  10. Dépêche du même du 18 juin. (R. cité, f. 109.)