Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/454

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne point emmener la reine hors du royaume sans qu’elle l’eût préalablement demandé, ni aucun de leurs enfants sans que le parlement y eût consenti; à ne prendre, pour son propre service, ni les vaisseaux du royaume, ni les munitions, ni les joyaux appartenants à la couronne; enfin à conserver la bonne intelligence qui régnait entre l’Angleterre et la France[1].

Pour l’entier accomplissement de leur mission, les ambassadeurs avaient besoin de la ratification de l’empereur, des pouvoirs du prince à l’effet de ratifier aussi le traité en son nom et de contracter le mariage par paroles de présent, de la dispense qui avait été demandée au pape. Ces pièces venaient de leur être envoyées de Bruxelles, lorsque Thomas Wyat, qui, de concert avec le duc de Suffolck, avait levé l’étendard de l’insurrection contre la reine[2], s’étant approché de Londres, ils jugèrent prudent, le 1er février, de retourner aux Pays-Bas[3]. L’insurrection vaincue, Charles-Quint renvoya en Angleterre le comte d’Egmont, porteur de tous les actes nécessaires pour terminer la négociation du mariage. D’Egmont les présenta à la reine dans des audiences qu’elle lui accorda le 3 et le 4 mars; le 6, en une chambre du palais où était le saint-sacrement, et en présence des ministres, les ratifications du traité furent échangées; Marie et d’Egmont jurèrent respectivement de l’observer; puis l’évêque de Winchester procéda à la cérémonie des épousailles : en ce moment, Marie se mit à genoux et prit Dieu à témoin que, si elle avait consenti à ce marier, ce n’était ni par affection charnelle, ni par cupidité, ni pour d’autre respect que l’honneur, bien et profit du royaume. Le 9 mars d’Egmont, qui devait porter les ratifications au prince Philippe, en Espagne, et l’instruire de ce qui s’était passé, quitta Londres pour aller s’embarquer à Plimouth[4].

A la nouvelle de l’avènement au trône d’Angleterre de la fille de Henri VIII et de Catherine d’Aragon, Jules III avait versé des larmes de joie; il avait, sans différer, nommé son légat vers la reine le cardinal Pole, qui se trouvait au monastère de Sainte-Marie de Maguzzano; il avait annoncé cette légation, non-seulement à la reine, mais encore au roi de France et à l’empereur, en priant ces deux monarques de prêter leur appui au cardinal. Pole partit de Maguzzano le 5 septembre. Le 1er octobre il arriva à Trente. Le 20 il était à Dillingen, d’où, deux jours après, il se mit en route pour Spire. Charles-Quint, en apprenant la mission dont Pole était chargé, n’en avait pas été satisfait : il craignait qu’en Angleterre le cardinal ne traversât le mariage du prince son fils; il appréhendait aussi que son zèle pour le rétablissement de la religion catholique ne l’entraînât dans des démarches inconsidérées et qui causeraient des embarras à la reine[5]. Il lui fit d’abord écrire par Granvelle, afin de le persuader de différer son voyage; il lui envoya ensuite don Juan Hurtado de Mendoza; dans le même temps il s’adressa au pape, à qui il remontra l’inopportunité de la commission donnée au cardinal. Mendoza rencontra Pole, le 24 octobre, à quelque distance de Spire; il l’exhorta, il le pria instamment de ne pas aller plus loin, mais d’attendre, là où il était, de nouvelles instructions du souverain pontife. Pole répondit à l’envoyé impérial que cela lui était difficile, ayant reçu de Rome l’ordre de hâter son arrivée aux Pays-Bas. Mendoza ne lui laissa pas ignorer que, s’il poursuivait sa route, il lui faudrait s’arrêter à Liége jusqu’à ce

  1. Lingard, t. II, p. 390. — Alex. Henne, t. X, p. 74.
  2. Au plus fort de l’insurrection, Marie fit appeler l’ambassadeur Renard et lui dit « qu’elle se tenait pour femme du prince Philippe; que tant qu’elle vivrait, elle n’aurait point d’autre mari; que plutôt elle perdrait sa couronne, son État et sa vie. » (Lettre de Renard à l’empereur du 5 février 1554, aux Archives du royaume.)
  3. (3) Ils s’embarquèrent, avec leur suite, sur des bateaux zélandais et anversois qui étaient à l’ancre dans la Tamise, prêts à mettre à la voile. Le 3 février ils débarquèrent à Flessingue.
  4. Lettre du comte d’Egmont et de Simon Renard à l’empereur, du 8 mars. (Arch. du royaume.) Une lettre autographe de d’Egmont à l’empereur, datée de Falmouth le 6 avril, nous apprend que son voyage fut retardé de plusieurs semaines par les vents contraires. Deux fois il fit voile pour l’Espagne, et deux fois il fut obligé de revenir en Angleterre. (Archives du royaume.)
  5. Voy., dans les Papiers d’État de Granvelle, t. IV, p. 153, la lettre de l’empereur à Simon Renard, du 21 novembre 1553.