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entrevue comme sur celles qui l’avaient précédée. Le 8 novembre, Marie, à la sollicitation de Renard et suivant ce qui avait été convenu entre eux, lui donna audience en présence de son conseil. L’ambassadeur exprima le désir d’avoir la réponse de la reine sur la communication qu’il lui avait faite de la part de l’empereur. Après avoir échangé quelques paroles avec ses ministres, Marie répondit que, quoique son affection fût contraire au lien du mariage, elle la surmonterait pour le bien du royaume. Alors Renard lui proposa le prince d’Espagne, en annonçant que, si elle l’agréait, une ambassade composée de personnages d’autorité viendrait renouveler la proposition avec la solennité requise. La reine[1] sortit, emmenant les membres de son conseil, afin de prendre leur avis. A sa rentrée elle dit à l’ambassadeur qu’elle recevrait volontiers l’ambassade qu’il lui annonçait[2].

Charles-Quint, en poursuivant avec ardeur l’alliance de son fils et de la reine d’Angleterre, n’était pas mû uniquement par la passion d’agrandir sa maison; il avait encore en vue un autre objet qui toujours avait occupé une place principale dans les combinaisons de sa politique : il voulait pourvoir à la sûreté future des Pays-Bas, que les agressions de la France avaient si souvent mis en péril, et ce but il espérait l’atteindre si le traité qui lierait l’héritier de ses couronnes et la reine Marie stipulait que les Pays-Bas seraient réunis à l’Angleterre sous le sceptre des princes à naître de leur mariage. Le 25 novembre il assembla à Bruxelles les seigneurs principaux de ces provinces avec le conseil d’État, et leur fit part de ses projets; il désirait, leur dit-il, avant de consommer une affaire aussi importante, connaître leur opinion[3]. L’assemblée ne pouvait qu’applaudir à des vues qui tendaient à l’avantage incontestable du pays. Charles désigna le comte d’Egmont, le comte Charles de Lalaing, gouverneur, capitaine général et grand bailli de Hainaut, le seigneur de Courrières et le conseiller Philippe Nigri, chancelier de la Toison d’or, pour aller faire la demande solennelle de la main de la reine et signer, en son nom, le contrat de mariage. Ces ambassadeurs arrivèrent à Londres le 2 janvier 1554; la reine leur donna audience dès le lendemain. Après qu’ils lui eurent présente leurs lettres de créance et qu’ils se furent acquittés du message dont ils étaient chargés, elle les renvoya à son conseil, disant « que ce n’était l’affaire d’une femme de traiter de son mariage ni d’en parler. » Les jours suivants furent employés par le comte d’Egmont et ses collègues à discuter, avec les ministres, les articles du traité de mariage, qui avaient été rédigés à Bruxelles; ils ne donnèrent lieu, de la part des conseillers de la reine, qu’à de légères observations auxquelles les ambassadeurs firent droit. Le traité fut signé et scellé le 12 janvier[4]; il portait en substance que Philippe et Marie prendraient réciproquement les titres et le protocole de leurs États respectifs; que le prince aiderait la reine à gouverner son royaume, en se conformant aux lois, priviléges et coutumes; que Marie se réservait la pleine et libre disposition des bénéfices, charges, emplois, lesquels ne pourraient être conférés qu’à des nationaux; qu’elle disposerait de même des terres et revenus de la couronne; que Philippe lui constituerait un douaire de soixante mille livres; que les enfants issus de leur mariage hériteraient des biens maternels ainsi que des Pays-Bas et du comté de Bourgogne, et, le cas advenant que don Carlos, fils de Philippe, mourût sans descendance, des royaumes d’Espagne, des Deux-Siciles et du duché de Milan. Par un acte particulier, Philippe s’engageait à maintenir et à défendre les libertés de la nation anglaise; à exclure tous les étrangers des charges de sa cour; à renoncer à toute prétention sur le trône d’Angleterre, s’il survivait à sa femme; à

  1. « Desguisant le fait comme si jamais elle n’en eût ouy parler, » écrivit Renard à l’empereur.
  2. Lettre de Renard à l’empereur du 8 novembre 1553. (Archives du royaume.)
  3. Archives du royaume.
  4. Lettres écrites à l’empereur par ses ambassadeurs les 7 et 12 janvier 1554. (Archives du royaume.)