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rency avait rassemblée à Corbie; le 1er septembre il la mit en mouvement. Charles-Quint quitta Bruxelles le 2, pour se rapprocher de la sienne[1] : sa santé s’était raffermie pendant l’été; il put faire à cheval le trajet de Bruxelles à Mons[2]. La reine Marie l’accompagnait. Les Français voulurent d’abord assiéger Bapaume; mais bientôt ils renoncèrent à ce dessein, et, après avoir dévasté et brûlé tout le pays à l’environ, ils se portèrent sur Cambrai. Le 8 septembre le connétable investit la ville, qui avait répondu par un refus à la sommation de lui ouvrir ses portes. Trois jours de suite l’armée royale se déploya devant les remparts; il y eut entre elle et la garnison, que commandait le seigneur de Bugnicourt, de chaudes escarmouches; elles ne furent pas à l’avantage des Français. Henri II, voyant que la place était bien défendue, marcha à Cateau-Cambrésis. Emmanuel-Philibert, à la suite de la prise de Hesdin et d’un engagement à Talmas avec le connétable, était venu camper sur la rive droite de l’Escaut, au dessus de Neufville; l’armée française, le 15, s’avança jusqu’à deux lieues de la position qu’il occupait. À cette nouvelle, Charles-Quint, qui était resté à Mons, partit au milieu de la nuit « pour se trouver à la mêlée et conduire ses gens, comme expert en telle besogne[3]; » il n’alla pas toutefois plus loin que Valenciennes, ayant appris là que les Français s’étaient retirés le 16, à la suite d’escarmouches où ils avaient essuyé d’assez grandes pertes. Les jours suivants Henri II ramena son armée vers Guise et Saint-Quentin, et peu après il licencia une partie des régiments dont elle était composée. Charles-Quint retourna à Bruxelles le 23 septembre avec la reine sa sœur. La campagne aux Pays-Bas était finie. L’issue en était honorable pour les armes de l’empereur dont elle avait relevé la réputation. En Italie la guerre s’était continuée sans résultat important pour l’un ni pour l’autre des deux adversaires.

L’alliance de son fils avec la reine d’Angleterre allait être, pendant quelque temps, le principal objet des préoccupations de Charles-Quint. Le prince avait répondu à sa lettre du 30 juillet de manière à lui donner toute satisfaction : son mariage en Portugal n’était point conclu, et il avait sur l’heure suspendu les négociations entamées à Lisbonne; il était prêt à s’unir à la reine Marie, si telle était la volonté de son père[4]. Charles résolut d’agir sans tarder pour préparer le succès du plan qu’il avait conçu : il avait une entière confiance dans la dextérité de Simon Renard; ce fut lui qu’il choisit pour être l’instrument de ses desseins; il rappela Montmorency et Marnix, ainsi que le conseiller Scheyfve, qui depuis plusieurs années était son ambassadeur résident à la cour d’Angleterre. Marie avait hautement manifesté sa répugnance à épouser Édouard de Courtenay, le seul personnage du royaume qui pût prétendre à sa main; Renard fut chargé de lui proposer le prince d’Espagne. Il eut avec la reine plusieurs entrevues secrètes[5]. Marie, tout en se montrant flattée du parti qui lui était offert, ne se prononça pas d’abord : des renseignements peu favorables lui avaient été donnés sur les mœurs et la conduite privée de Philippe, et elle s’en effrayait surtout en considérant la disproportion d’âge qu’il y avait entre elle et lui[6]; elle craignait aussi que son conseil et que la nation ne vissent pas de bon œil son mariage avec un prince qui, devant régner

  1. Lettre écrite de Bruxelles, le 2 septembre, par le secrétaire Bagio au secrétaire Caimani, à Rome. (Arch. du Vatican : Nunziatura di Fiandra, vol. Ier, fol. 210.)
  2. Dans sa lettre le secrétaire Bagio dit que l’Empereur a paru bien faible à ceux qui ne l’avaient pas vu auparavant, mais que sur ceux qui le voient souvent il n’a pas produit cet effet (A chi non l’ha visto prima par so molto fiacco, cosa che non pare a chi lo vede spesso).
  3. Relation officielle insérée dans les Papiers d’État de Granvelle, t. IV, p. 106.
  4. Lettre du 16 août, dans M. Mignet, Charles-Quint, etc., p. 73.
  5. Le 10, le 14 et le 21 octobre
  6. « ..... Elle respondit ..... que les conditions de Son Altèze luy estoient incongneues, et avoit entendu de plusieurs que Son Altèze n’estoit si saige que Vostre Majesté; qu’il estoit bien jeune et n’avoit que vingt-six ans; que s’il vouloit estre voluptueux, ce n’est ce qu’elle désire, pour estre de tel eaige que Vostre Majesté scèt, et qu’elle n’a jamais eu affection ou pensée d’amour (Lettre de Renard à l’empereur, du 12 octobre 1553, aux Archives du royaume.)