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du saint-siége, et qu’il ne fût pas rendu à Jean-Frédéric, lequel était un hérésiarque notoire, impénitent et incorrigible[1].

En Angleterre Édouard VI était mort le 6 juillet, à l’âge de seize ans, à la suite d’une longue maladie. Par les intrigues de John Dudley, duc de Northumberland, il avait institué son héritière, au préjudice de Marie et d’Élisabeth, ses sœurs, Jane Gray, fille aînée de Henri Gray, duc de Suffolk, et de Françoise Brandon, et épouse de Guildford Dudley, deuxième fils de John. Jane fut proclamée reine le 10 juillet; mais son règne n’eut pas une longue durée. Le 19 les partisans de Marie s’emparèrent du pouvoir et firent publier, au milieu des acclamations du peuple, qu’elle était la seule et la légitime reine. Elle fit son entrée dans Londres le 31 juillet. Ces nouvelles, qui réalisaient tous les vœux de Charles-Quint, lui causèrent la satisfaction la plus vive[2]. Quelques jours avant la mort d’Édouard VI, il avait envoyé en Angleterre une ambassade extraordinaire, composée de Jean de Montmorency, seigneur de Courrières, de Jacques de Marnix, seigneur de Toulouse, et de Simon Renard, son ancien ambassadeur en France, sous prétexte de visiter le monarque souffrant, mais en réalité pour se tenir au courant des actes du conseil, étudier les ressources des différents partis, faire des amis à la princesse sa cousine, et, autant que le permettrait la prudence, concourir à son avènement au trône[3]. Il donna l’ordre à ses ambassadeurs de présenter ses félicitations à la reine, de l’assurer de ses sentiments d’amitié sincère, de lui promettre un concours empressé en tout ce qui concernerait le bien de son royaume. En même temps il leur recommanda de l’engager à être, sur toutes choses, bonne Anglaise, à ne pas trop se presser de changer ce qui existait, mais à s’accommoder aux décisions du parlement, sans toutefois rien faire, de sa personne, qui fût contre sa conscience et sa religion. Il les chargea enfin de lui dire que, ayant besoin d’être soutenue et protégée, il était très-requis qu’elle se mariât bientôt « avec qui il lui semblerait être plus convenable[4]. » Dans une autre dépêche il leur prescrivit d’exhorter la reine à se contenter de châtier les plus coupables parmi ceux qui s'étaient montrés ses ennemis, et à user de clémence envers fous les autres; à modérer les désirs de vengeance que pourraient avoir quelques-uns de ses partisans; à convoquer le parlement, pour faire connaître qu’elle entendait suivre les vestiges de ses prédécesseurs; à consulter, avant de prendre aucune mesure pour le rétablissement de la religion catholique, ceux de ses ministres qui étaient le mieux au fait de l’état et condition du royaume et de ce que les conjonctures pouvaient permettre[5]. C’était là certainement des conseils pleins de sagesse et de prudence. Charles méditait dès lors de faire épouser la reine par son fils; le trône d’Angleterre aurait compensé pour le prince la succession à l’Empire, à laquelle il ne fallait plus songer[6]. Mais depuis assez longtemps déjà des négociations de mariage se poursuivaient entre Philippe et l’infante de Portugal, fille de la reine Éléonore; n’étaient-elles pas trop avancées pour qu’il fût possible de les rompre? Charles en ce moment l’ignorait; il ne savait pas d’ailleurs ce que son fil penserait d’une alliance avec une femme de trente-huit ans, lui qui n’en comptait que vingt-sep[7]. Il écrivit à Philippe le 30 juillet, afin qu’il s’expliquât sur l’un et sur l’autre point[8].

Dans les derniers jours du mois d’août Henri II prit le commandement de son armée, que le connétable de Montmo-

  1. Dépêche du cardinal d'Imola au pape du 15 août (Arch. du Vatican : Nunziatura di Fiandra, Vol. Ier fol. 140.)
  2. « Ce nous ont esté les meilleures nouvelles que eussions dû avoir de ce costel-là » écrivit-il, le 22 juillet, à ses ambassadeurs. (Papiers d'État de Granvelle, t. IV, p. 54.)
  3. Lingard, Histoire d’Angleterre, trad. de Roujoux. t. II, p. 371. — Papiers d'État de Granvelle, t. IV, p. 4.
  4. Dépêche du 22 juillet déjà citée.
  5. Dépêche du 29 juillet (Papiers d’État de Granvelle, t. IV, p. 59.)
  6. Voir Lanz, t. III, p. 599.
  7. Lettre de Granvelle à Simon Renard du 14 août 1553. (Papiers d’État de Granvelle, t. IV, p. 76.)
  8. Mignet, Charles-Quint : son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste, 2e édit., p. 72.