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reine Marie envoyait au duc, le joint avec le régiment d’infanterie du comte d’Arenberg, quatre des compagnies d’ordonnance des Pays-Bas et trois mille chevaux de Holstein[1]; il arrive devant Metz le 19.

Charles-Quint avait résolu le siége de cette ville impériale : il se flattait de s’en rendre maître et de recouvrer par-là, dans la Germanie, le prestige que sa fuite d’Inspruck lui avait fait perdre. Un autre motif encore l’avait déterminé : Metz tombé en son pouvoir, il ne lui serait pas difficile de chasser les Français de la Lorraine et de rétablir dans le gouvernement de ce pays la duchesse Christine, sa nièce, qu’Henri II en avait dépossédée. La reine Marie, consultée par lui sur cette entreprise, l’avait hautement approuvée[2]. En France on s’y était attendu. Dès le 17 août François de Lorraine, duc de Guise, était venu s’enfermer dans Metz, dont la garnison avait été considérablement renforcée; il y avait été suivi de la fleur de la noblesse française, jalouse de se distinguer sous les yeux d’un capitaine aussi renommé. Cette ville, lorsqu’Henri II l’avait réduite en son pouvoir, était à peine fortifiée; les deux rivières qui l’entouraient, la Moselle et la Seille, lui tenaient lieu de remparts; dans l’espace qui les séparait, elle était couverte, entre l’occident et le midi, par un grand bastion. Les Français réparèrent l’enceinte, délabrée en plusieurs endroits, approfondirent les fossés, ajoutèrent aux fortifications naturelles de la place. L’arrivée du duc de Guise fut le signal d’une série de mesures qui devaient mieux encore en assurer la défense; par ses ordres un grand nombre d’habitations, plusieurs abbayes, sept églises, furent démolies, dont les matériaux servirent à élever, derrière le mur d’enceinte, des terrassements et de larges remparts; les faubourgs, les maisons de plaisance, les bâtiments des environs furent livrés aux flammes; on convertit les voûtes des églises en plates-formes recouvertes de balles de laine et armées d’une nombreuse artillerie, battant les hauteurs qui entouraient la ville; au moyen des réquisitions faites aux habitants des villages voisins, l’approvisionnement de la place fut assuré pour une année. Tous les citoyens furent contraints de travailler en personne aux fortifications, et Guise leur en donna l’exemple. Quand cette œuvre fut terminée, il fit sortir de la ville les vieillards, les femmes, les enfants et tous ceux sur le dévouement desquels il ne croyait pas pouvoir compter[3].

Ni l’empereur, ni ses généraux, ne s’étaient figuré que Metz leur opposerait des moyens de défense aussi formidables. Lorsque, par des prisonniers faits, le 21 octobre, dans une reconnaissance des abords de la place, on sut, au camp impérial, comme elle était fortifiée et avitaillée, et le nombre des troupes ainsi que des volontaires qui la gardaient, plus d’un des chefs de l’armée exprima des doutes sur la possibilité de la prendre : « Je n’ai jamais vu » — écrivit le seigneur de Boussu à la reine Marie — « je n’ai jamais vu homme qui ait vu ni ouï dire que villes ainsi munies soient été prises par force, et n’ai point aussi ouï dire qu’il se soit trouvé par écrit[4]. » Mais l’armée de l’empereur était l’une des plus belles qu’il eût formées depuis son avènement au trône : après l’avoir amenée de si loin et à de si grands frais, n’aurait-il pas été humiliant de la licencier sans qu’elle eût tenté quelque entreprise notable? or la saison était trop avancée pour qu’on pût songer à la faire entrer en France. Il fallait donc (et sur ce point Charles adopta le sentiment du duc d’Albe) poursuivre ce qu’on avait commencé. En ce moment d’ailleurs le duc était en négociation avec le marquis Albert, pour l’attirer au service de l’empereur, et s’il y réussissait, il lui semblait qu’on pouvait concevoir la plus grande espérance d’une issue favorable du siége[5]. Albert avait des griefs contre les Français, qui lui avaient refusé l’entrée de Metz; il prêta

  1. Al. Henne, t. IX, p. 311.
  2. Lanz, t. III, p. 493.
  3. Sismondi, t. XII, p. 234. — Alex. Henne, t. IX, p. 318
  4. Lettre du 23 octobre 1552. (Arch. du royaume : Lettres des seigneurs, t. VII, fol. 98.)
  5. Lettre du duc à Granvelle, du 15 octobre, dans Lanz, t. III, p. 499.