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à ceux qui l’auraient ratifiée; qu’on remarquait aussi que le roi de Bohême restait entièrement étranger aux négociations entamées avec les électeurs. L’archevêque de Cologne[1] s’excusa absolument de se prononcer jusqu’à ce qu’il eût consulté l’archevêque de Mayence, qui à ce moment était parti pour le concile[2]. Quelque temps après, ayant vu l’empereur lui-même à Augsbourg, il l’assura de son dévouement, rendit hommage à ses intentions toutes paternelles pour l’Allemagne, reconnut la force des raisons qui l’avaient déterminé à désirer que son fils succédât à la dignité impériale après le roi Ferdinand, mais allégua l’impossibilité où il était d’exprimer une opinion là-dessus, alors qu’il ignorait celle des princes qui composaient avec lui le collége électoral[3]. L’archevêque de Trèves[4] s’était déjà mis en route pour Trente, quand de Lyere arriva à Coblence, où il espérait le rencontrer[5]; l’envoyé de l’empereur lui écrivit afin de lui faire part de sa mission : la réponse de l’archevêque fut, en substance, la même que celle des autres électeurs[6]. Il était évident que ceux-ci s’étaient entendus[7]. En résultat, toutes ces négociations s’en allèrent en fumée, et les événements dont nous aurons à parler bientôt ne permirent plus de les reprendre. Charles-Quint put reconnaître alors le tort qu’il avait eu de mettre en avant des prétentions qui l’avaient rendu odieux aux Allemands, lui avaient aliéné l’affection des princes de sa famille, et n’avaient certainement pas été étrangères au soulèvement qu’il y eut contre lui dans la Germanie[8]. On peut dire que le projet auquel les actes du 9 mars 1551 donnèrent un commencement d’exécution fut la plus grande faute politique de son règne, et celle qui eut pour lui les conséquences les plus funestes.

Charles cependant ne pouvait pas prolonger plus longtemps son séjour à Augsbourg. Il allait être privé de ses troupes espagnoles qu’il devait retirer des forteresses du Wurtemberg et qu’il lui fallait faire passer en Italie, car il n’aurait pu les loger dans d’autres lieux de l’Allemagne sans provoquer les plus vives réclamations. Il n’avait à Augsbourg, outre sa maison, les deux compagnies d’hommes d’armes venues avec lui des Pays-Bas et la garde du duc Jean-Frédéric, que les quatre enseignes de lansquenets qui, depuis son arrivée, en formaient la garnison : or, ces forces n’étaient pas suffisantes pour garantir sa sûreté dans la situation où se trouvait la Germanie, et néanmoins elles étaient extrêmement à charge aux habitants, qui en faisaient des plaintes continuelles. Il avait eu d’abord le dessein de passer aux Pays-Bas[9] : les mouvements des Français en Italie étaient venus modifier ses résolutions. Aux Pays-Bas il aurait été bien loin pour pourvoir aux affaires de Parme et de la Lombardie; et puis si, comme le bruit en courait, le roi Henri franchissait les Alpes, il n’aurait pas voulu qu’on pût dire qu’il s’était éloigné à dessein du théâtre de la guerre; son in-

  1. Adolphe de Schauenbourg.
  2. Lettre de Granvelle à la reine Marie, du 25 août 1551. (Archives du royaume.)
  3. Lettre de Granvelle à la reine Marie, du 29 septembre 1551. (Archives du royaume).
  4. Jean d’Isembourg.
  5. Lettre de Granvelle du 25 août, ci-dessus citée.
  6. Lettre de la reine Marie à l’empereur, du 10 décembre 1551. (Arch. impér. à Vienne.)
  7. Dans sa lettre du 10 décembre, la reine disait à l’empereur : « Il est assez à voir qu’ils se sont résoluz par ensemble à parler d’une bouche. » Déjà elle lui avait écrit, le 20 octobre, « qu’il pouvait être assuré qu’ils s’étaient avertis l’un l’autre de ce qui s’était passé. »
  8. Charles ne se le dissimulait pas. Comme le prince Philippe insistait pour que les négociations relatives à son élection à l’empire fussent continuées, il écrivit à la reine Marie le 22 février 1552 : « L’estat présent de la Germanie démonstre évidentement combien nous sommes loing d’y pouvoir pour le présent prétendre, voyre et me doubte que l’avoir mys en avant aura aydé les malveillans en la direction de leurs malheureuses practiques. »
       Dans une lettre du 6 mars, Granvelle est plus explicite encore : « Nous sommes — dit-il à la reine — bien loin de prétendre à l’élection, laquelle et ce qu’en dirent les gens de monseigneur nostre prince à Augsbourg, venant d’Espaigne, et depuis à la diette, et ce que l’on a voulu embracer en Italie, et autres choses touchées en l’instruction de monsieur de Rye, sont cause de tous ces troubles. » (Arch. imp. à Vienne.)
  9. C’est ce qui résulte de sa correspondance et de celle de Granvelle avec la reine Marie pendant les mois de mai, juin et juillet. Encore au mois d’août il était dans cette intention, comme le fait voir sa lettre au roi Ferdinand, du 15 de ce mois, publiée par Lanz, t. III, p. 68.