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stacle à ce que les Français renforçassent les garnisons de la Mirandole et de Parme. Une chose assez bizarre, c’est que l’intervention de la France et de l’empereur dans la querelle du pape avec Octave Farnèse n’était pas envisagée comme une infraction à la paix de Crépy : la France prétendant n’agir qu’à titre d’alliée de Farnèse[1]; l’empereur soutenant que les feudataires de l’Empire en Italie qui n’obéissaient pas à son chef étaient formellement exceptés du traité[2].

Le rôle d’auxiliaire du duc de Parme ne pouvait longtemps suffire à Henri II, et il était impatient d’en venir à des mesures plus décisives. Déjà l’évêque d’Astorga, qui se rendait au concile, avait été, par ses ordres, ou tout au moins avec son assentiment, arrêté à Turin[3]; il avait fait saisir dans son royaume des navires et des biens appartenant aux sujets des Pays-Bas, et autorisé d’autres actes d’hostilité contre ces provinces[4] : il manda à Cossé-Brissac, gouverneur du Piémont, de commencer la guerre, sans la déclarer auparavant, foulant ainsi aux pieds les lois en usage chez toutes les nations civilisées. Le 2 septembre, dans la nuit, les Français, sortis de Turin, tentèrent de surprendre trois endroits différents : San Damiano de Montferrat, qui ne fit point de résistance ; Chieri, dont la garnison était sur ses gardes, et Cherasco, d’où ils furent repoussés avec perte[5]. Dans le même temps le baron de la Garde, un de leurs amiraux, capturait en pleine mer quarante-cinq navires belges chargés de marchandises d’une valeur de cinq cent mille écus[6]; les galères de Marseille s’emparaient à l’improviste, sur la côte de Catalogne, de plusieurs bâtiments qui étaient à l’ancre sans défiance aucune, et l’ambassadeur de France à Constantinople, d’Aramon, étant venu avec deux galères et une galiote se joindre à la flotte turque qui assiégeait Tripoli d’Afrique, dont l’ordre de Saint-Jean était en possession, déterminait le gouverneur, par ses pratiques, à rendre la place aux Musulmans, quoiqu’elle eût été battue pendant six jours à peine, et qu’elle n’eût pas eu encore à soutenir d’assaut[7]. Le 12 septembre le connétable de Montmorency fit savoir à l’ambassadeur impérial, Simon Renard, que sa mission avait pris fin[8]. Charles-Quint et la reine Marie congédierent, à leur tour, les sieurs de Marillac et de Basse-Fontaine. La déclaration de guerre fut publié dans les Pays-Bas le 26 septembre. Charles écrivit à la reine qu’il fallait faire « tout le pis que l’on pourrait à l’encontre des Français, la courtoisie et douceur dont on avait usé envers eux les ayant rendus plus insolents[9]. » La saison était toutefois trop avancée pour que, de l’une ou de l’autre part, on essayât de mettre à exécution, dans cette campagne, quelque entreprise importante.

On a vu que la diète avait laissé à l’empereur le soin d’aplanir les difficultés que rencontrait l’observation de l’intérim. Dans les derniers jours d’août, Charles donna l’ordre que les ministres luthériens qui étaient demeurés à Augsbourg, au nombre de dix, fussent examinés, l’un après l’autre, par des commissaires, au nombre desquels était l’évêque d’Arras. Si nous en croyons Granvelle, cet examen fit voir « que les ministres étaient tous dix d’opinions différentes et que plusieurs d’entre eux avaient été rebaptisés ; » les examinateurs trouvèrent de plus « qu’ils étaient ignorants et idiots comme des gens qui n’avaient aucune institution de lettres. » L’empereur

  1. Sismondi, t. XII, p. 199.
  2. Lettre de Granvelle du 8 juillet ci-dessus citée.
  3. Lettre de Granvelle à la reine Marie du 20 juin 1551. (Arch. impér. à Vienne.)
  4. Lettres de la reine Marie à Charles-Quint des 10 et 16 juillet, 21 et 27 août. (Arch. impér. à Vienne.)
       Elle disait dans sa Iettre du 10 juillet : « Il me semble que ce roy de France délaisse à suyvre son père au bien qu’il avoit, mais prend le chemin qu’il faisoit du mal qui estoit en luy, qui excédoit le bien. »
  5. Lettre de Granvelle à la reine Marie du 10 septembre 1551. (Archives du royaume.) — Sismondi, t. XII, p 199.
  6. Lettre de Marie à Charles, du 1er septembre 1551. (Arch. impér. à Vienne.)
  7. Lettre de Granvelle à Simon Renard, du 14 septembre 1551, déja citée.
  8. Papiers d’Etat de Granvelle, t. III, p. 588.
  9. Lettre du 24 septembre. (Arch. impér. à Vienne.)