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Philippe se rendit auprès de lui et le mena chez l’empereur. Il avait à cœur de gagner l’affection de son beau-frère; il fit tout ce qu’il put pour se lier avec lui : mais Maximilien y résistait; il fuyait les occasions de rencontrer le prince d’Espagne; quand ils se trouvaient ensemble, il était froid et réservé[1]. L’archiduc Ferdinand, second fils du roi des Romains, arriva à Augsbourg quatre jours après son frère.

Il avait été convenu, entre l’empereur, le roi des Romains et la reine Marie, que cette princesse reviendrait à Augsbourg, pour reprendre les négociations qu’elle avait commencées, dès que Maximilien y serait. Le 1er janvier 1551 la cité impériale vit la reine entrer dans ses murs. Charles avait en vain, dans l’intervalle, essayé de pressentir les dispositions du roi de Bohême et de son père : lorsque, à l’arrivée de Maximilien, il l’avait remercié de la diligence qu’il avait apportée dans son voyage, « pour les choses qu’ils avaient à traiter, » le jeune prince avait soudain changé de propos. Le roi des Romains avait de même éludé ce sujet d’entretien, et à Granvelle (nous appellerons désormais ainsi l’évêque d’Arras), qui, sous couleur de communiquer avec lui d’affaires de l’Empire, lui avait fait de respectueuses remontrances sur les suites fâcheuses qu’aurait pour les deux branches de la maison de Habsbourg, pour leurs États et pour la chrétienté la discorde entre lui et l’empereur, il s’était borné à répondre qu’il était bien éloigné de vouloir rompre avec son frère, et qu’il l’avait prouvé en faisant venir son fils, « pour s’accommoder à tout ce qui se trouverait convenable[2]. » Charles avait en ce moment plusieurs griefs contre le roi. Il trouvait que Ferdinand ne prenait pas à cœur, comme auparavant, les affaires de la diète; qu’il cherchait plutôt à complaire aux états, et surtout aux électeurs[3]. Ferdinand avait eu l’intention de partir pour le Tyrol, en attendant la venue de son fils; Charles l’en avait empêché : ce départ aurait certainement entraîné celui d’autres princes qui étaient à la diète[4]. Enfin Ferdinand voulait demander aux états une aide pour préserver la Transylvanie des entreprises du Turc, et Charles y était opposé, du moins jusqu’à ce que la diète eût voté les dépenses nécessaires pour la réduction de Magdebourg; une vive discussion avait eu lieu entre eux à ce sujet le 22 novembre; Charles s’était mis en colère jusqu’à dire à son frère que, s’il donnait suite à son dessein, il le contrecarrerait[5]. Trois semaines après, néanmoins, Ferdinand était revenu à la charge dans un écrit raisonné, et cette fois il avait déclaré qu’il ne pouvait se dispenser, sans compromettre son âme, son honneur et ses biens, de faire cette proposition aux états; que si l’empereur y mettait obstacle (ce qu’il ne pouvait croire), il se sentait plus tenu à Dieu, à sa conscience et à son honneur qu’à lui[6]. Cet écrit avait vivement blessé l’empereur : « Enfin — écrivait-il à la reine Marie — je suis jusques au bout de patience, remémorant ce que j’ai fait pour eux, et que, après qu’ils ont tiré de moi ce qu’ils ont voulu, nous tombons en tels termes[7]. » Malgré cela il n’avait pas voulu pousser les choses à l’extrême. Croyant même que des concessions faites à son frère sur ce point le disposeraient plus favorablement pour l’affaire principale qu’il avait à traiter avec lui, il lui avait envoyé Granvelle, afin qu’il consentît à différer quelque peu sa proposi-

  1. L’évêque d’Arras lui-même en convient dans une lettre qu’il écrit à la reine Marie le 16 décembre : « Monseigneur nostre prince — lui mande-t-il faict ce qu’il peult pour s’accoincter fort familièrement du roy de Bohême, tant aux champs, à la chasse, que à la ville. Mais, soit oires qu’il se trouve court de propos, ou qu’il aye aultre respect, il le fuyt tout ce qu’il peut, et mon dict seigneur s’en est plaint, et le sent Sa Majesté, encore qu’elle ne le démonstre, estant très-bien advertye des diligences qu’en ce faict monseigneur nostre prince et de ce que ledict roy s’en dislongne. » (Arch. imp. à Vienne.)
  2. Lanz, t. III, p. 18 et 19.
  3. Lettre de l’évêque d’Arras à la reine Marie, du 28 nov. 1550. (Arch. du royaume.)
  4. Lettre de l’évêque d’Arras à la reine du 11 nov. (Arch. du royaume.)
  5. Lettres de l’évêque d’Arras des 11 et 28 novembre, ci-dessus citées. — Lettre de Ferdinand à Charles du 14 décembre, dans Lanz, t. III, p. 11. — Lettre de Charles à Marie du 16 décembre, ibid., p. 15.
  6. Lettre de Ferdinand du 14 décembre, ci-dessus citée.
  7. Lettre du 16 décembre, ci-dessus citée.