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pire, il satisferait à son obligation de rendre à l’empereur le bien que son frère lui avait fait, quand il l’avait préféré lui-même à son fils propre. Elle lui marquait d’ailleurs que, si le prince était « très-enclin de aspirer à s’assurer de l’Empire après lui, » l’empereur « y trouvait plus de pro et contra, et ne voulait s’en résoudre qu’après qu’ils auraient conféré ensemble »[1]. Ferdinand se borna à répondre à la reine que l’affaire dont elle venait de l’entretenir était « si grande et de tel poids et importance qu’elle lui semblait requérir bonne délibération »[2].

Charles, quoi qu’en dît la reine de Hongrie, désirait tout aussi ardemment que son fils de le voir assuré de parvenir à la dignité impériale[3]; sa faiblesse pour ce fils était extrême; lui laisser de vastes États et une puissance que n’égalât celle d’aucun des monarques de l’Europe était sa préoccupation constante. Il répugnait toutefois à Charles d’être le premier à entretenir le roi des Romains d’un sujet qui devait lui être si désagréable; il aurait voulu que Ferdinand prît l’initiative. Par son ordre, l’évêque d’Arras, à peine arrivé à Augsbourg, alla voir le roi sous prétexte de lui rendre compte de ce qui s’était passé pendant le voyage de l’empereur, mais en réalité pour lui donner occasion de parler de l’affaire sur laquelle la reine Marie lui avait écrit. Ferdinand ne se laissa point prendre à ce manége[4].

Charles se flatta de réussir mieux en lui faisant communiquer une série de questions qui roulaient sur les moyens d’apporter remède a la confusion dans laquelle se trouvaient les affaires de l’Allemagne, soit qu’on employât la voie des négociations, soit qu’on recourût à la force, et, dans ce dernier cas, sur la difficulté qu’il y aurait à se procurer de l’argent pour subvenir à la dépense; une des questions était de savoir comment, après le décès de l’empereur, ou lui étant absent de la Germanie pendant plusieurs années, la masse des affaires pourrait s’y soutenir. Cette forme d’interrogation était celle dont Charles-Quint avait coutume d’user en des occasions semblables. Les questions furent lues trois fois au roi des Romains, afin qu’il en dît son avis, la dernière fois en présence de l’empereur. Ferdinand parut y attacher une médiocre importance[5]. Tout ce qu’on put tirer de lui fut « qu’il n’était en son pouvoir de fournir chose, quelle qu’elle fût[6]. » Voyant qu’il n’y avait pas moyen de le faire sortir de sa réserve, on chercha à le persuader que la communication qu’on lui avait faite n’était à autre fin que de voir ce qu’on aurait à proposer à la diète, et l’empereur chargea l’évêque d’Arras de lui déclarer que, si les états de l’Empire, comme c’était vraisemblable, n’accordaient une grosse aide, il faudrait renoncer à se servir de la force en se contentant d’avoir recours aux négociations[7]. La reine Marie avait offert de venir à Augsbourg, si on le jugeait nécessaire, pour moyenner une transaction entre les deux branches de la maison impériale. Charles accepta cette offre, et Philippe pria avec instance sa tante d’y donner suite[8]. De son côté, Ferdinand se félicitait de ce qu’on ne lui avait pas parlé de l’affaire qui était pour lui le sujet des plus vives inquiétudes; dans sa correspondance avec la reine, il exprimait l’espoir qu’on laisserait tomber un projet dont l’exécution lui paraissait impossible, et qu’on ne

  1. Bucholtz, t. IX, p. 495. »
  2. Lettre du 1er mai 1550, écrite de Vienne. (Arch. impér. à Vienne.)
  3. Granvelle écrivait, le 22 juillet, à la reine Marie : « Nos deux maistres, et le père et le filz, sont fort ardens en ceste négociation, et la mènent toutesfois doulcement pour ce commencement; mais Sa Majesté Impériale m’a dit que, si le roy n’y marche de bon pied pour seconder son désir, qu’il parlera à luy de sorte qu’il luy fera clèrement et naifvement entendre la faulte qu’il feroit en cecy.. » (Arch. imp. à Vienne.)
  4. Lettre de l’évêque d’Arras à la reine Marie, du 8 juillet 1550. (Arch. impér. à Vienne.)
  5. Lettre de l’évêque d’Arras à la reine Marie du 22 juillet 1550. (Arch. imp. à Vienne.)
       L’évêque disait à la reine que l’attitude du roi étonnait l’empereur; il ajoutait : « Et semble que ce soit un tout autre homme que du passé. »
  6. Autre lettre de l’évêque du 22 juillet. (Arch. impér à Vienne).
  7. Lettre citée à la note précédente.
  8. Lettres des 22, 28 juillet et 16 août 1550, aux Archives impériales, à Vienne.