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de pied dont il avait ordonné la levée dans cette partie de l’Allemagne devaient le suivre à quelques jours d’intervalle[1]. Le 5 avril il entra dans Egra : à trois lieues de cette ville il avait été joint par le roi son frère, qui lui amenait dix-sept cents chevaux, dont neuf cents hongrois[2], ainsi que par le duc Maurice et le marquis Jean-Georges de Brandebourg, fils de l’électeur, qui en conduisaient, le premier mille, le second quatre cents[3].

Ce fut à Egra que Charles apprit la mort du roi de France[4]. Cet événement ne pouvait manquer d’avoir une grande influence sur ses affaires. Pendant plus d’un quart de siècle, François Ier avait été pour lui non-seulement un rival envieux de tout ce qui devait contribuer à sa prospérité et à sa grandeur, mais encore un ennemi déclaré. L’absence de loyauté et de franchise avait toujours caractérisé la politique de ce monarque : il n’avait observé ni le traité de Madrid, ni celui de Cambrai; il avait violé la trève de Nice, au moment où il protestait contre l’intention qu’on lui attribuait d’y contrevenir. A la vérité, il n’avait pas enfreint ouvertement la paix de Crépy, il ne cessait même de déclarer officiellement qu’il avait à cœur de l’entretenir, mais il n’attendait qu’une occasion favorable pour la rompre[5]. Il avait approuvé l’empereur de faire la guerre aux protestants; il avait trouvé très-raisonnable qu’il les châtiât[6], et, à chaque incident de cette guerre qui était favorable aux armes impériales, il en témoignait son dépit dans le cercle de ses familiers[7]; lorsqu’il fut atteint de la maladie qui l’emporta, il y avait à sa cour des envoyés de l’électeur de Saxe et du landgrave de Hesse qu’il ne se bornait pas à recevoir de la manière la plus gracieuse, mais auxquels il promettait des secours efficaces[8]. Charles se flattait que, quelles que fussent les dispositions de son successeur, elles ne lui seraient jamais aussi hostiles que l’avaient été celles du prince qui venait de descendre dans la tombe; il fit partir pour la France le seigneur d’Humbercourt, gentilhomme de sa maison, chargé de présenter à la reine douarière sa sœur et au nouveau lui ses compliments de condoléances[9].

Charles et Ferdinand passèrent à Egra la semaine sainte et les fêtes de Pâques. Le 13 avril ils se mirent en marche pour pénétrer en Saxe; l’empereur avait envoyé en avant le duc d’Albe avec tous les gens de pied et une partie de la cavalerie. Ayant cheminé dix jours sans s’arrêter, les deux monarques arrivèrent, le 22, à trois lieues de Meissen sur l’Elbe, où ils avaient été informés que se trouvait le duc Jean-Frédéric avec le gros de ses forces; ils résolurent d’y laisser reposer leurs troupes pendant vingt-quatre heures qui seraient employées à reconnaître la position de l’ennemi et le chemin le plus convenable pour l’attaquer[10]. L’armée impériale, renforcée des troupes du roi et du duc Maurice, comptait alors vingt-trois mille hommes d’infanterie, espagnole, allemande, bohémienne, et six mille chevaux[11]; celle du duc de Saxe lui était de beaucoup inférieure en nombre; elle ne se composait que de six mille piétons et trois mille cavaliers[12]; quatorze enseignes de ce prince avaient été défaites, en diverses rencontres, par les impériaux, et tous les châteaux-forts et les villes situés dans le pays que l’empereur avait

  1. Mocenigo. — D’Avila, fol. 56.
  2. Les meilleurs chevau légers du monde, selon mon jugement, dit D’Avila.
  3. D’Avila, fol. 58.
  4. François Ier était décédé à Rambouillet le 31 mars.
  5. C’est ce qui ressort des dépêches du Sr de Saint-Mauris, ambassadeur de Charles-Quint en France.
  6. Lettres de Saint-Mauris à l’empereur des 5 et 22 juillet 1546.
  7. Nous en avons cité des exemples dans plusieurs notes.
  8. Lettres de Saint-Mauris des 19 août, 25 novembre 1546 et 1er janvier 1547.
       V. aussi, dans Ribier, t. 1er, p. 627, la lettre de François Ier au Sr de Saintail, son ambassadeur en Allemagne, du 17 mars 1547, où il dit que le duc de Saxe et le laudgrave « le trouveront leur bon, certain et entier amy à leur besoin. »
  9. Papiers d’État de Granvelle, t. III, p. 257.
  10. Commentaires de Charles-Quint, p. 182.
  11. Mocenigo.
  12. D’Avila, fol. 60 v°. — Mocenigo ne donne à l’électeur que deux mille cinq cents hommes d’infanterie et autant de cavalerie; mais il est évident qu’il se trompe.