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le comte de Stroppiana, ambassadeur de Savoie, écrit de son côté que, pendant l’action, le cœur tremblait à plus de trois[1]. Quoi qu’il en soit, il est certain que chacun fit son devoir et demeura ferme au poste qui lui avait été assigné; il n’y eut que le cardinal Farnèse qui quitta le champ de bataille. Les paroles de l’empereur, qui harangua tour à tour les différents corps de ses troupes, mais surtout son exemple, ne contribuèrent pas peu à les encourager. C’était aux endroits les plus exposés au feu de l’ennemi qu’il se plaçait de préférence, et une trentaine de boulets tombèrent entre les pieds, à la tête, à la croupe de son cheval, même si près de sa personne qu’ils le touchèrent presque; en les voyant venir il souriait, immobile comme un roc[2]. Le duc d’Albe et plusieurs autres de ses capitaines l’ayant supplié de s’éloigner, il leur répondit qu’il avait mis toute sa confiance en Dieu, pour la sainte Église et la juste cause duquel il combattait; que Dieu le préserverait, comme il rendrait vaine toute autre machination de ses ennemis, car il connaissait les intentions dont il était animé et le fond de son cœur; que si Dieu voulait sa mort ou sa ruine, il la lui enverrait aussi bien dans le lieu le plus sûr où dans celui où il se trouvait[3]. Les confédérés, voyant le peu de fruit de la canonnade qu’ils avaient engagée, regagnèrent leur camp. En résultat, la journée du 31 août fut à l’honneur de l’armée impériale, qui n’y fit que des pertes insignifiantes[4]. Par ordre de l’empereur, la nuit fut employée à fortifier les tranchées, qu’on mit dans un état de défense respectable. Le jour suivant se passa en escarmouches. Le 2 et le 3 septembre, les confédérés recommencèrent la canonnade contre le camp de l’empereur, et le 3 avec une grande furie : car ce jour-là plus de mille coups furent tirés par eux, mais ce fut encore sans faire grand mal aux impériaux. Charles-Quint, dit le comte de Stroppiana, se tenait dans les tranchées, observant quand les artilleurs ennemis mettaient le feu à leurs pièces; alors il criait à ceux qui se trouvaient à ses côtés de se baisser; lui il restait debout.

En venant à Ingolstadt, les chefs de l’armée de la ligue s’étaient flattés que Charles, les voyant si supérieurs en forces, n’essaierait pas de leur résister et se retirerait de l’autre côté du Danube; le landgrave avait même promis à ses confédérés qu’en moins de trois mois il obligerait l’empereur à abandonner l’Allemagne, ou le ferait prisonnier[5]. Quand ils reconnurent qu’après une canonnade effroyable il n’avait pas reculé d’un pas, n’osant l’attaquer dans ses retranchements[6], ils prirent le parti de décamper : dès le 3 au soir, ils commencèrent leur mouvement de retraite, qui s’opéra d’ailleurs dans le meilleur ordre; Charles ne pouvait songer à les suivre ni à tenir la campagne tant que le comte de Buren n’aurait pas opéré sa jonction avec lui. Enfin, le 15 septembre, Maximilien d’Egmont, ayant surmonté tous les obstacles que les protestants avaient semés sur sa route, arriva au camp impérial[7]; il y amenait douze mille hommes d’infanterie, cinq mille chevaux et douze pièces d’artillerie; il apportait aussi à l’empereur trois cent mille écus dont Charles avait le plus grand besoin pour la solde de son armée. Une partie de la cavalerie du marquis Albert de Brandebourg, du

  1. « .....In questo giocho tremava il cuore a più di tre... »
  2. Stroppiana. — Mocenigo rend le même hommage à la bravoure de l’empereur : « Césare — dit-il — quasi sempre stava al discoperto in ghetto di artegliaria, mostrando di non stimarla punto. »
  3. Stroppiana.
  4. Stroppiana ne parle que de vingt à vingt-cinq morts et autant de blessés; mais ces chiffres sont certainement inexacts. D’après Mocenigo, les pertes s’élevèrent, en tués et en blessés, à trois cents hommes environ.
  5. « ..... Con esta confiança lantgrave avia prometido à toda la liga que dentro de tres meses el echaria à Su Magestad de Alemaña ó le prenderia..... » (D’Avila, fol. 13 v°.)
  6. Dans le conseil de la ligne, le landgrave avait proposé d’attaquer le camp de l’empereur; mais son avis ne fut pas adopté. (Sleidan, t. II, p. 357.)
  7. François Ier avait espéré que les protestants battraient le comte de Buren. Quand on reçut à Moulins, où était la cour de France, la nouvelle de la jonction de ce seigneur avec l’armée impériale, le roi el ceux qui l’entouraient s’en montrèrent « fort fâchés et troublés. » (Lettres de l’ambassadeur Saint-Mauris, du 26 septembre, à l’empereur et à la reine Marie.)