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serment de fidélité des habitants. Les députés des barons, des nobles et des villes, formant les états des pays de Gueldre et de Zutphen, arrivèrent le même jour au camp impérial. Le maréchal de Gueldre, Martin van Rossem, qui, en 1542, avait envahi et ravagé le Brabant, était avec eux; le duc de Brunswick le présenta le 12 à l’empereur : Van Rossem, les genoux fléchis, sollicita son pardon, protestant qu’il servirait son nouveau maître avec le même zèle la même fidélité qu’il avait montrés à ses deux précédents souverains. Charles lui fit un bienveillant accueil[1]. Les députés des états, à genoux, attendaient l’empereur dans une salle voisine; il s’y transporta. Après qu’il se fut assis, le duc de Brunswick, lui adressant la parole, dit que les représentants de la Gueldre étaient venus là pour lui faire leur soumission, le supplier d’excuser leur conduite passée, et lui prêter serment comme à leur vrai et originel seigneur. Le président du conseil privé, Schore, donna lecture de lettres par lesquelles l’empereur confirmait les priviléges du pays et lui en accordait de nouveaux; la rédaction de ces lettres[2] avait été concertée entre les ministres impériaux et les députés. Le vice-chancelier de Naves lut ensuite la formule du serment, et tous les députés le prêtèrent, après que Guillaume de Clèves, qui était présent, eut déclaré qu’il les déliait de celui qu’il avait reçu d’eux. Charles, à son tour, jura d’observer leurs priviléges[3]. Cette cérémonie terminée, le prince d’Orange, René de Chalon, nommé stadhouder ou gouverneur de Gueldre, partit avec quatre à cinq mille hommes d’infanterie et six cents chevaux pour prendre possession du duché[4]. Deux jours après, le duc Guillaume releva de l’empereur les pays de Juliers et de Clèves[5]. Ce prince, qui avait été l’un de ses plus ardents ennemis, devint un allié fidèle de sa maison ; il épousa, en 1546, l’archiduchesse Marie, fille du roi des Romains : François Ier et le duc de Vendôme, lorsqu’ils avaient connu son traité avec l’empereur, n’avaient pas voulu lui donner Jeanne d’Albret, à qui il avait été marié en 1540, et ce mariage avait été cassé par le pape.

La conquête de la Gueldre était un événement aussi heureux pour les Pays-Bas que glorieux pour Charles-Quint[6]. Elle complétait la réunion des dix-sept provinces; elle leur procurait, au nord, une frontière défendue par des forteresses imposantes : elle délivrait la Hollande, le pays d’Utrecht, l’Overyssel, le Brabant, des incursions et des ravages auxquels, depuis la mort du dernier duc de Bourgogne, ils avaient été en proie. Charles se trouvait par là en position de pouvoir tourner ses armes contre les Français, qui avaient pris Landrecies et étaient maîtres de la plus grande partie du Luxembourg. Le 14 septembre il donna l’ordre à son armée de marcher vers le Hainaut; lui-même il se mit en route, quoiqu’il fût tourmenté de la goutte depuis deux jours. Arrivé à Diest, les souffrances qu’il endurait ne lui permirent pas d’aller plus loin; il appela en cette ville les états généraux, qui avaient été convoqués à Bruxelles. L’assemblée nationale se tint, le 22, dans une salle de la maison où il avait son logement; il s’y fit porter; la reine Marie prit place à côté de lui. Ce fut par l’organe du président Schore qu’il s’adressa aux états. Après

  1. Journal de Vandenesse. — Sandoval, liv. XXV, § XLII.
        Charles ne tarda pas à admettre à son service Martin van Rossem, et dans la suite de son règne il l’appela à remplir des charges importantes. Van Rossem justifia toujours la confiance que l’empereur avait placée en lui.
  2. Par ces lettres, en date du 12 septembre, et auxquelles on donna le nom de traité de Venlo, l’empereur s’obligeait à maintenir les priviléges et coutumes du pays, à y instituer pour stadhouder quelqu’un qui en connût la langue, à y ériger une chancellerie et conseil où seraient traitées toutes les causes des habitants, à ne laisser évoquer aucun procès à la chambre impériale, à ne nommer aux fonctions publiques que des naturels du pays capables de les exercer par eux-mêmes, à n’établir ni laisser établir aucune imposition que les barons, chevaliers et villes n’auraient pas consentie, etc. (Dumont, Corps diplomatique, t. IV, 2e partie, p. 266.) Ces lettres formaient la charte des libertés de la Gueldre.
  3. Journal de Vandenesse.
  4. Lettre de Charles-Quint du 25 septembre.
  5. Journal de Vandenesse.
  6. « Sans aucun doute » — écrit Sandoval, liv. XXV. § XLIII — « Charles put dire comme César : Veni, vidi, vici. »