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grâce et remettre son sort entre ses mains; Charles le lui accorde. Le 5 septembre, Henri de Brunswick quitte le camp impérial pour aller chercher le duc, qu’il amène le jour suivant, en compagnie du coadjuteur et du député de Cologne. L’empereur les reçoit le 7, entouré des principaux personnages de sa cour et de son conseil. Tous quatre s’étant agenouillés, le duc de Brunswick[1] prend la parole en langue allemande. Il invoque, en faveur de Guillaume, sa grande jeunesse; il rejette sur de mauvais conseils les fautes qu’il a commises; il sollicite son pardon, promettant qu’il sera à l’avenir fidèle et obéissant à l’empereur. Le député de la ville de Cologne parle dans le même sens[2]. Charles répond, par la bouche du vice-chancelier de Naves, que le duc l’a grandement offensé; qu’il pourrait en raison et justice le traiter avec rigueur; que néanmoins, voyant qu’il reconnaît ses torts, et pour l’honneur de Dieu, pour le respect du roi des Romains, son frère, qui l’en a supplié, pour l’intercession des électeurs, des princes et des états de l’Empire, pour l’affection qu’il a toujours eue a la commune paix et au bien public de la Germanie, pour épargner enfin aux pays du duc, ainsi qu’aux duchés de Gueldre et comté de Zutphen les maux qu’en traînerait la continuation de la guerre, il accepte sa soumission; qu’il chargera ses ministres de traiter avec lui. Jusqu’à ce moment le visage de l’empereur avait été sévère; son attitude était celle d’un prince qui voyait devant lui un vassal rebelle : après la réponse du vice-chancelier, il fait signe au duc et à ses trois intercesseurs de se relever; il se lève lui-même, tend d’un air gracieux la main à Guillaume et lui adresse quelques paroles[3]. Déjà dans les pourparlers qui avaient eu lieu entre Granvelle et les personnages dont le duc avait réclamé l’intervention, les conditions auxquelles il obtiendrait sa grâce avaient été convenues; le duc y avait souscrit lui-même à son arrivée au camp; le traité fut donc bientôt conclu[4]. Par cette convention, Guillaume de Clèves s’engageait à maintenir en la religion catholique et en l’obéissance. de l’Église romaine tous ses États héréditaires, aussi bien ceux qui allaient lui demeurer que ceux qu’il devait restituer à l’empereur, et à en extirper l’hérésie, si elle s’y était introduite; à être fidèle et obéissant à l’empereur, au roi des Romains et au Saint-Empire; à rompre toutes alliances et confédérations avec leurs ennemis, nommément avec le roi de France, le duc de Holstein, se disant roi de Danemark, et l’intrus de Suède; à ne jamais faire de ligues qui leur fussent préjudiciables. Il cédait et transportait à l’empereur tous les droits et actions qu’il avait aux duché de Gueldre et comté de Zutphen; déliait de leurs serments les états, le peuple et les gens de guerre de ces pays; consentait qu’ils reconnussent l’empereur et ses hoirs pour leurs vrais et naturels seigneurs; promettait de faire évacuer, par ses troupes les places, châteaux et forteresses des mêmes duché et comté qu’elles occupaient et de remettre ceux-ci aux personnes que l’empereur chargerait de les recevoir. De son côté, Charles pardonnait toute offense que le duc pouvait lui avoir faite; il lui accordait ses bonnes grâces; il promettait de le traiter en bon prince de l’Empire et de le prendre en sa protection, ainsi que ses terres et ses vassaux; il s’engageait à lui rendre tout ce qu’il occupait des duchés de Juliers et de Clèves, se réservant seulement l’occupation temporaire des villes de Heinsberg et de Sittard pour assurance de l’exécution du traité.

Le 11 septembre[5] Charles entra dans Venlo, dont les gens de guerre du duc de Clèves étaient sortis, et reçut le

  1. D’après le Journal de Vandenesse, ce sérait le chancelier de Gueldre qui aurait parlé : mais la lettre de Charles-Quint au prince Philippe, du 25 septembre 1543 (Analectes historiques, t. I, p. 246), est précise sur ce point. Sandoval désigne aussi le duc de Brunswick.
  2. Sandoval, liv. XXV, § XL.
  3. Journal de Vandenesse. — Sandoval, liv. XXV, § XL.
  4. Il porte la date du 7 septembre (Papiers d’Etat de Granvelle, t. II, p. 666); mais, d’après le Journal de Vandenesse, il ne fut conclu que le lendemain.
  5. Vandenesse indique cette entrée au lundi dix septembre. Le 10 était en effet un lundi. Mais nous suivons la lettre déjà citée de Charles-Quint à son fils, lettre où il précise les dates.