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avec le cardinal Tavera. Après un court séjour à Tolède et à Madrid, il partit pour Tordesillas, où il passa trois jours auprès de la reine sa mère[1]; de là il se rendit à Valladolid. Il avait convoqué dans cette ville les cortès de Castille; il en fit l’ouverture le 10 février 1542. Les cortès lui exprimèrent derechef le vœu qu’il ne s’éloignât plus de l’Espagne, ses absences causant de trop vives inquiétudes à ses sujets : il répondit qu’il ne songeait point à s’absenter de nouveau, et que, s’il lui arrivait encore de le faire, ce serait pour des motifs impérieux, son âge l’invitant déjà plus au repos qu’à des entreprises guerrières ou à des voyages lointains[2]. Il aurait pu alléguer aussi l’état de sa santé, car la goutte le tourmenta pendant tout le temps qu’il fut à Valladolid. Les cortès terminèrent leur session, le 4 avril, par le vote d’un service de douze cent mille ducats. Le 22 mai Charles partit avec son fils pour la Navarre et l’Aragon. Un mois, jour pour jour, après, il arriva à Monzon, où le lendemain il ouvrit la session des cortès d’Aragon, de Valence et de Catalogne. Pendant cette session, qui se prolongea jusqu’à la fin d’août[3], des nouvelles de la plus haute gravité lui parvinrent à la fois de France, des Pays-Bas et d’Italie.

François Ier avait conçu un vif ressentiment de l’issue des négociations qui suivirent le passage de l’empereur au travers de son royaume; il était résolu à se venger et, nonobstant la trève qui existait entre eux pour plusieurs années encore, à recommencer la guerre dès qu’il croirait pouvoir la faire avec avantage. Dans cette intention il s’était attaché le duc Guillaume de Clèves, en lui donnant la main de l’héritière de Navarre (15 juillet 1540); il avait éloigné de ses conseils[4] le connétable de Montmorency, qui toujours s’était appliqué à conserver ou à rétablir la concorde entre les deux monarques rivaux; il avait continué ses relations avec Soliman, quoiqu’il se fût engagé à les rompre; il avait cherché des alliances jusque dans la Scandinavie, qui semblait devoir rester étrangère à la politique du midi de l’Europe. Le désastre d’Alger vint lui fournir l’occasion qu’il épiait, et le meurtre de Rincon et Fregoso un prétexte plausible pour en profiter. L’hiver de 1541 à 1542 fut employé par lui à lever des troupes dans toutes les parties de son royaume et à se créer des appuis au dehors : il conclut des traités avec les rois de Danemark et de Suède; il fit passer de l’argent au duc de Clèves; il renforça son armée en Piémont; il sollicita Soliman d’envoyer à Marseille, pour s’y réunir à la flotte française et agir de concert avec elle, une flotte conduite par Barberousse. Au mois de juin, avant toute déclaration de guerre[5], le duc de Vendôme, gouverneur de Picardie, envahit l’Artois et la Basse-Flandre; le duc d’Orléans entra dans le Luxembourg; Martin van Rossem, maréchal de Gueldre, pénétra en Brabant; en même temps le dauphin assemblait dans le Midi une armée de quarante mille hommes d’infanterie, deux mille hommes d’armes et deux mille chevau-légers avec laquelle il se proposait de faire le siége de Perpignan, et, après l’avoir pris, de pousser jusqu’en Castille.

Charles-Quint était loin de supposer qu’un pareil dessein pût entrer dans la tête des Français[6]. Lorsqu’il en fut averti par le marquis del Vasto, que ses espions en avaient instruit, il se hâta d’envoyer le duc d’Albe à Perpignan, pour mettre cette place en état de défense, et réclama l’assistance de ses vassaux d’Aragon et de Castille. Les grands, la noblesse, les villes répondirent avec enthousiasme à son appel : toute l’Espagne, dit Sandoval[7], prit les armes,

  1. Il y arriva le 23 janvier 1542, et en partit le 26. (Journal de Vandenesse.)
  2. Journal de Vandenesse.
  3. Journal de Vandenesse.
  4. Au commencement de 1541.
  5. La déclaration de guerre fut publiée en France seulement le 12 juillet; François en donnait pour motif l’assassinat de ses ambassadeurs Rincon et Fregoso (Papiers d’Etat de Granvelle, t. II, p. 628.)
        Elle ne fut pas notifiée à l’empereur, et il n’en eut connaissance que le 21 août. (Journal de Vandenesse.)
  6. C’est ce qu’il écrivit au roi son frère le 9 octobre 1542.
  7. Liv. XXV, § XIX.